Préambule : Cet article se présente sous la forme sous la forme d’un billet de presse économique. On se pose des questions concernant la crise économique COVID-19 et on essaie d’y répondre de façon pertinente et concise.
Chacune des questions peuvent se lire comme un article indépendant, mais tous répondent à une même problématique.
Quelle est l’ampleur des plans de relance mis en œuvre pour affronter la crise économique mondiale actuelle (2020) ?
Depuis janvier 2020, le coronavirus entraîne une crise économique sans précédent et de nature nouvelle, ce qui entraîne l’un des plans de relance économique les plus massifs de l’histoire.
Les Etats-Unis en tête préparent un plan de relance de 2000 milliards d’euros, soit 90% du PIB français.
En comparaison, le plan de relance français ne s’élève qu’à 50 milliards d’euros, sans compter les garanties de prêt aux banques et les reports de charges fiscales, alors que la relance allemande s’élève à 822 milliards d’euros, soit plus de 16 fois plus.
De son côté la BCE annonce 750 milliards de rachats de titres de dettes (c’est donc un retour du Quantitative Easing), et envisage sérieusement de se porter garante de la dette de l’ensemble des pays de la zone euro pour faire baisser les taux d’intérêts de la dette publique des pays de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, …), tandis que la Banque d’Angleterre (banque centrale du Royaume-Uni) annonce un « financement illimité » par la création monétaire compte tenu de la gravité de la crise.
Tous ces chiffres sont des prévisions qui ont été et qui seront probablement revalorisées à mesure que la crise économique (et sanitaire !) avancera.
De plus, il est important de remarquer à quel point les idéologies économiques ont été bouleversées par la crise économique.
Alors que la tendance depuis les années 1980 était au libéralisme économique (Etat facilitateur de marché, équilibre des déficits publics, privatisations, …), le retour en grâce de l’intervention de l’Etat dans la sphère économique, dont les plans de relance par la dette publique est l’artefact le plus criant, serait-il le signe d’un nouveau renversement des paradigmes, à la faveur des théories économiques néo-keynésiennes ?
Dans ces conditions quelles devraient être les priorités de ces nouveaux Etats « Providence » ?
Sources :
Dans quel contexte s’inscrit le « Green New Deal » ?
A l’origine, le « Green New Deal » est un plan de relance imaginé par les partis écologiques européens durant les élections européennes de 2009, s’inspirant du « New Deal » de Franklin Delano Roosevelt après la crise de 1929.
Les 2 principaux objectifs de ce plan de relance sont les suivants :
Tout d’abord, tout comme le New Deal, créer de très nombreux emplois pour résorber le chômage, et favoriser la croissance ET le développement économique, afin que la croissance profite à tous et permette une hausse du niveau de vie.
Ensuite, le second objectif, et là se trouve la spécificité du « Green New Deal », est d’engager une transition énergétique et économique de grande ampleur, afin que la croissance économique devienne compatible avec la préservation de l’environnement.
C’est aussi de ce débat qu’à émergé la notion de croissance verte.
Pour la plupart des économistes, la croissance verte repose sur l’existence présumée d’une « économie verte ».
Selon le PNUE, il faudrait investir AU MOINS 2% du PIB mondial par an d’ici 2050 dans 10 secteurs clés pour impulser la transition énergétique et écologique :
-Bâtiment, énergie, industrie manufacturière
-Pêche, foresterie, agriculture
-Tourisme, transport, eau, gestion des déchets
Cette croissance verte aurait alors 3 dimensions :
Dimension « éco-industries » | Développer des secteurs de l’économie, qui tout en créant de l’emploi, peuvent limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement. Les « emplois verts » se trouvent dans tous les secteurs publics et privés qui contribuent à la préservation ou au rétablissement de la qualité de l’environnement. => 3 grandes catégories regroupent les emplois verts : –La protection de l’environnement –La gestion des ressources et espaces naturels –Les activités transversales (R&D environnementale, services généraux publics positifs pour l’environnement, …) |
Dimension « transition écologique » | Changer la nature des modes de production et de consommation sous la contrainte écologique, cad amorcer une véritable transition écologique des structures économiques |
Dimension « développement soutenable » | Transformer nos systèmes de mesure de la valeur sociale, cad redéfinir la notion même de développement, en insistant davantage sur sa dimension social-écologique (soutenabilité environnementale, égalité, santé, éducation) |
Il en résulterait un cercle vertueux : le respect de l’environnement ne serait plus une contrainte mais une opportunité (Jean Louis Borloo) ; on peut « transformer les contraintes énergétiques et environnementales en opportunités de marché » (NKM et Luc Chatel, les Echos, 2008).
=>Cette interprétation de la croissance verte se retrouve dans la proposition de Sélogène Royal, mai 2014, de créer « un grand ministère de la croissance verte et de l’emploi », estimant que la « révolution écologique » devait être le levier d’une « nouvelle aventure industrielle ».
Sources :
https://www.wikiwand.com/fr/Green_New_Deal
https://youtu.be/VT_clrDnCuk (Le « Green New Deal », une révolution pour sauver la planète, Brut)
Aujourd’hui, en 2020, le Green New Deal permettrait-il de ramener une nouvelle croissance, une croissance verte ?
Plus récemment, la question du « Green New Deal » a de nouveau émergé, à l’occasion des élections présidentielles américaines, où il était proposé à plus ou moins grande échelle par l’ensemble des candidats à la primaire démocrate, bien que la portée (les secteurs de l’économie concerné) et l’ampleur (le budget alloué au Green New Deal) diffèrent énormément d’un candidat à l’autre. Le Green New Deal le plus ambitieux était sans conteste celui de Bernie Sanders, bien que pour Jeremy Rifkin dans son ouvrage Le New Deal Vert Mondial : Pourquoi la civilisation fossile va s’effondrer d’ici 2028. Le plan économique pour sauver la vie sur Terre l’ensemble des Etats-Unis, ainsi que l’Europe, sont majoritairement favorables à une « nouvelle donne verte », c’est-à-dire un nouveau plan de relance qui met l’environnement au cœur de la croissance écologique.
Cependant les questions la plus importante concernant le « Green New Deal » et la croissance verte qu’elle est censée apporter, sont des questions portant sur l’idéologie politique et économique de sa mise en œuvre.
En effet, l’idée de croissance verte est née des débats de fonds entre soutenabilité faible (les capitaux économiques, technologiques, naturels, … sont substituables) et forte (les destructions de capital naturel sont globalement irrémédiables et impossible à compenser).
Les modalités de cette croissance verte dépendent de la réponse aux questions suivantes :
Quelles sont les préférences sociales ? (Lutter contre les inégalités ou non ?)
Quel mode de vie devons-nous adopter ? (Ascétisme ou hyperconsommation ?)
Quels modes de production privilégier ? (Economie circulaire ou linéaire ?)
Comment mesure la croissance économique (PIB, IDH, indicateurs composites comme le Better Life Index : http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/ )
Toute l’intérêt du Green New Deal et de la « croissance verte », est de se demander si nous sommes dans le prolongement de l’économie capitaliste moderne, ou si nous sommes en rupture avec ces paradigmes économiques.
Ainsi deux visions de la croissance verte s’affrontent :
1ère vision : La « croissance verte » est interprétée dans la continuité de notre modèle actuel de croissance, dans une logique schumpéterienne de la « destruction créatrice » où la croissance s’obtient par la disparition de secteurs industriels dépassés par le remplacement de nouveaux secteurs plus productifs.
Avec la montée en puissance des enjeux environnementaux dont les agents ont de plus en plus conscience, les firmes innovantes anticipent sur les nouveaux marchés qui s’annoncent et sont stimulées par les incitations nouvelles que les pouvoirs publics sont amenés à prendre.
2ème vision : On pourrait penser que la croissance verte fait disparaître les contraintes écologiques qui pèsent sur la croissance.
Cependant la croissance verte, tant qu’elle s’inscrit dans une logique mercantile, ne sera toujours qu’une occasion de peser davantage sur les systèmes naturels de notre planète, notamment à cause de 3 dimensions que la croissance, verte ou non, peine à mesurer :
1) Les externalités : Définies pour la 1ère fois par l’école de l’économie de bien-être, menée par Arthur Cécil Pigou, elles définies les conséquences positives et négatives d’une activité économique, sur l’ensemble des activités humaines (à court et à long terme).
il s’agit de prendre en compte l’existence de « tiers » dans les échanges marchands bilatéraux (Offre/Demande)
2) Les émissions importées et les fuites de carbone : Ces 2 phénomènes empêche de quantifier la part de responsabilité des états dans la dégradation de l’environnement, souvent à l’avantage des pays développés, au détriment des pays en développement.
En effet, on assiste depuis les années 1980 un transfert des industries polluantes et matérielles dans les pays émergents et les PED, tandis que les possessions matérielles continuent à croître même dans les PDEM (voire l’hyperindustrialisation de Pierre Veiltz)
3) La prise en compte du long terme et la soutenabilité économique et environnementale : Aujourd’hui le PIB est incapable de différencier une création de richesse durable (Ex : Un ordinateur ayant une espérance de vie de au moins 5 ans), d’une création de richesse éphémère voire destructrice (Ex : le tourisme de masse qui finit par détruire les environnements naturels sur lesquels repose ce tourisme de masse).
La tentative des Prix Nobel d’économie de 2018 de « monétiser la nature » montre bien la difficulté des marchés et de l’économie libérale à protéger l’environnement de la croissance économique.
http://www.slate.fr/story/168287/prix-nobel-economie-marche-rechauffement-climatique-giec
http://www.slate.fr/story/181446/prix-nobel-economie-paul-romer-visite-burning-man-urbanisme
Ainsi, il semblerait que le mot d’ordre soit celui de toujours plus de croissance et de puissance économique, grâce à la hausse du pouvoir d’achat et des services privés.
Mais à travailler toujours à fournir une clientèle solvable aux entreprises ne s’enferme-t-on pas dans une même logique de croissance, même rebaptisée de « verte » ?
Sources :
https://excerpts.numilog.com/books/9791020907622.pdf (Intro du livre de J.Rifkin)
https://usbeketrica.com/article/tres-technophile-new-deal-vert-jeremy-rifkin
http://www.slate.fr/story/157369/mesure-reussite-pays-croissance-bien-etre
www.oecdbetterlifeindex.org/fr
La croissance, même verte, serait-elle vraiment souhaitable, lorsqu’on observe les effets bénéfiques de la décroissance actuelle ?
« La nature reprend ses droits », voilà une phrase toute faite qui trouve beaucoup d’écho dans l’ensemble de la presse écrite et audiovisuelle.
Les images de drones, montrant des centres-villes déserts qui s’emplissent peu à peu de canards et d’écureuils et de bords de mer et littoraux où prospèrent dauphins et baleines, ont proliféré au même rythme que les études constatant la baisse des émissions de GES, de la pollution de l’air, de la consommation, …
Cependant les bénéfices de la décroissance actuelle (le PIB français a baissé de 6% au 1er trimestre 2020), sans même prendre en compte les conséquences économiques et sociales désastreuses de cette crise, sont-ils vraiment, à long terme, positifs pour l’environnement ?
Si l’on en croit l’histoire récente, pas vraiment ; en effet si l’on regarde la crise de 2008, où la baisse de la croissance s’était traduite par une baisse des émissions de gaz à effet de serre, on a vite assisté à un effet de rattrapage économique qui s’est accompagné d’une hausse des GES qui a plus que compensé sa diminution initiale, surtout dans une conjecture où le prix du pétrole était globalement à la baisse.
Un tel scénario pourrait se répéter aujourd’hui, notamment avec un prix du pétrole au plus bas du fait de l’arrêt des échanges internationaux (de plus on peut noter que le tassement de la demande est plus important que le tassement de la production, donc de l’offre).
Ce qu’il faut retenir, c’est que les périodes de crise économique ont toujours été un bon prétexte au ralentissement des politiques environnementales, en comptant sur les secteurs traditionnellement rentables pour assurer la croissance.
Déjà le protocole de Kyoto signé en 1997 entré en vigueur en 2005 et ayant pris fin en 2012, a connu un succès en demi-teinte suite au retrait du Canada, des Etats-Unis et de l’Australie pour des raisons économiques, mais également parce que les pays de l’Europe de l’Est n’ont eu aucun effort à fournir pour réduire leurs émissions de CO2, car l’année de référence des émissions était 1990, soit 1 an avant l’effondrement de l’URSS, qui a fait perdre près de 10 années de croissance aux pays du bloc communiste…
De plus, si les effets du confinement sur l’environnement nous paraissent si bénéfiques à court terme, c’est parce que nous ne nous projetons pas véritablement dans la situation où le confinement serait pratiqué sur plusieurs mois, ou même sur plusieurs années.
Si tel était le cas, nos sociétés connaîtraient une inertie économique, sociale ET écologique, ce qui empêcherait la mise en œuvre de quelque développement durable que ce soit.
D’un point de vue économique, comme nous l’avons déjà souligné, l’Etat prioriserait les secteurs économiques rentables et/ou déjà existant, afin de préserver au maximum la croissance et l’emploi. Les processus de production ne seront pas remis en cause, et la nécessité de faire des réserves pour approvisionner une population confinée va avoir tendance à favoriser la production industrielle, l’exemple le plus probant étant la prospérité des grandes surfaces alimentaires au détriment des petits producteurs locaux et bios, car leurs denrées sont plus périssables et demandent davantage de travail humain.
D’un point de vue social, la situation de confinement est un vivier d’inégalités : les cadres peuvent télétravailler beaucoup plus que les ouvriers ou les employés du tertiaire et sont moins soumis au chômage partiel, les personnes qui doivent travailler malgré le confinement ont plus de chances d’attraper le coronavirus, les plus fortunés vivent mieux le confinement car ils vivent dans des habitations plus grandes et avec un terrain plus grand, les moins fortunés ne peuvent pas compter sur leur épargne pour faire face à une baisse de revenus, …
Mais le plus grave est l’absence de réaction du politique face à une augmentation exceptionnelle des inégalités et de la pauvreté. En effet, dans le contexte actuel, l’action politique est focalisée sur la résolution de la crise, et les autres domaines de l’intervention publique connaissent un statut quo, voire une dégradation. Les quelques mesures sociales prises par les gouvernements mondiaux sont globalement palliatives, et aucun ne souhaite réinstaurer une plus grande progressivité de l’impôt pour mieux répartir les efforts que les contribuables devront fournir pour supporter l’augmentation de la dette publique.
Enfin, comme nous l’avons évoqué, d’un point de vue écologique, le conservatisme politique encouragé par l’urgence de la situation amènera les décideurs politiques à délaisser les politiques inessentielles à court terme, en premier lieu les politiques environnementales, qui se retrouvent à l’arrêt, voire assouplies (c’est déjà le cas dans bon nombre d’Etats américains, sans même parler du soutien à la filière des hydrocarbures aux Etats-Unis, ou encore au Canada).
En plus, les décideurs politiques pourront excuser leur inertie sur la problématique écologique, par l’amélioration de certains indicateurs environnementaux en période de confinement (baisse des émissions de CO2 en premier lieu), alors que certaines décisions (ou plutôt non-décision) auront des conséquences écologiques négatives bien plus importantes à long terme (augmentation des déchets plastiques, ralentissement de la transition énergétique, …).
Par conséquent, pour toutes ces raisons, il paraîtrait nécessaire de retrouver le chemin de la croissance, à condition que celle-ci ne soit pas seulement plus verte, mais qu’elle soit également plus soutenable, moins inégalitaire, et plus respectueuse des cycles naturels, qui sont nécessairement bien plus long que les cycles économiques. Il faut donc militer pour, probablement, moins de croissance, mais une meilleure croissance !
Ainsi, on peut dès aujourd’hui, s’interroger, parmi les secteurs économiques « non essentiels » forcés à l’arrêt par le confinement, lesquels il serait souhaitable de relancer (comprendre à la fois « reprise de l’activité » et « relance économique »), et les secteurs économiques qu’il s’agirait, non pas forcément de supprimer, mais au moins de réinventer pour qu’ils puissent contribuer à la croissance économique de façon plus qualitative que quantitative.
Surtout lorsque le confinement semble revaloriser certaines activités, comme le partage de connaissances ou le travail manuel (artisanat, bricolage, agriculture, …)
Pour conclure, chaque fois que nous entamons un plan de relance économique, fut-il vert, nous devons nous poser les questions suivantes : Quels secteurs économiques doivent prospérer et lesquels doivent décliner ? Comment requalifier les travailleurs qui travaillent actuellement dans les secteurs qui doivent décliner ? Comment valoriser les activités qui ont une valeur économique et/ou sociale importante, mais une valeur marchande faible voire inexistante ?
[Autres questions ici https://drive.google.com/file/d/1pEoVVyStq9d2yBryuoOr3S_NJctoXAnP/view]
https://www.wikiwand.com/fr/Protocole_de_Kyoto
https://youtu.be/5zCQxJ20E2U (Et tout le monde s’enferme #2 – Le monde d’après)
http://www.slate.fr/story/189357/coronavirus-pandemie-climat-gaz-effet-serre-economie-mesures-redressement (Le Covid-19, bon pour le climat? Rien n’est moins sûr)
Comment un plan de relance peut permettre de sauver l’économie et la croissance, ainsi que de résorber le chômage ?
Avant de parler du plan de relance actuel, il est indispensable de replacer l’usage de la politique de relance dans la théorie économique, ainsi que dans l’historique des politiques publiques.
L’existence des plans de relance existent depuis aussi longtemps qu’existe l’économie politique, qui commence à prendre la forme que nous lui connaissons aujourd’hui au 16ème avec la naissance du courant mercantiliste (à cette époque, on considère que la richesse de la nation est la richesse de l’Etat).
Cependant sa première utilisation moderne a eu lieu à la suite de la crise de 1929, avec la mise en place du « New Deal » aux Etats-Unis, par la décision du président Franklin Delano Roosevelt, selon les principes théoriques instaurés par John Meynard Keynes dans son ouvrage Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936).
J.M Keynes part d’un constat simple :
L’économie en crise est en situation de sous-emploi (Ressources < Emplois) tant du côté de l’Offre (faillites, liquidations financières, endettement, …) que de la Demande (licenciements, chômage, perte de pouvoir d’achat, endettement, …).
Pour retrouver une situation de plein-emploi (chômage faible, taux d’occupation du capital productif élevé, …)
J.M Keynes préconise que l’Etat creuse son déficit budgétaire pour venir au secours des entreprises et des ménages afin d’augmenter les capacités productives des entreprises, qui vont pouvoir réembaucher, et d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages, qui pourront davantage acheter aux entreprises.
Ce mécanisme devrait établir un cercle vertueux de croissance économique, ce qui devrait permettre à long terme de rembourser la dette de l’Etat grâce à l’augmentation proportionnelle des rentrées fiscales, c’est ce qu’on appelle les « stabilisateurs automatiques ».
Ça c’est pour l’explication simple, trop simple même. La raison en est que, comme pour toutes les théories économiques, la réussite d’une politique de relance dépend de nombreux présupposés. Sans être exhaustif, j’aimerais ici vous présenter les plus pertinents (si on reste dans le cadre théorique keynésien et néo-keynésien)
Rappel des forces et limites de la politique de la relance (= pourquoi il n’y a pas d’argent magique) :
1) Keynes rappelle que, a priori, un plan de relance budgétaire ne peut fonctionner, seulement si l’économie est en situation de sous-emploi, c’est-à-dire si le chômage est élevé et que l’inflation est faible. Si ces conditions semblent réunies aujourd’hui, ce n’était pas le cas lors de la crise pétrolière des années 1970s où l’on était en situation de « stagflation » (chômage élevé, inflation élevée)
2) Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Keynes est un économiste libéral, et à ce titre il est parfaitement convaincu du bien-fondé de l’économie de marché, qui doit seulement être accompagné pour faire face aux cycles économiques. Ainsi la politique de relance keynésienne s’inscrit dans un ensemble de politiques économiques dites « contracycliques » (à l’opposé du cycle économique) pour atténuer les fluctuations économiques trop importantes et rester dans le « sentier de croissance ». Ainsi lors des années fastes des Trente Glorieuses, où l’Etat occupait une place beaucoup plus importante dans l’économie que aujourd’hui, on a eu davantage de politique d’austérité (hausse des impôts, …) pour éviter la surchauffe de l’économie, entrecoupées de politiques de relance pour relancer une économie trop apathique.
3) Cependant il existe une constante idéologique derrière l’idée de politiques « contracycliques » : celle que l’Etat doit intervenir dans l’économie pour que le marché soit le plus efficace possible. Cela comprend la correction des défaillances de marché, que sont notamment les situations d’oligopoles et de monopoles, l’allocation optimale des ressources et la prise en compte des externalités et des agents tiers.
Pour cette raison Richard Musgrave (économiste keynésien), définit trois grandes fonctions de l’Etat :
• la fonction d’allocation des ressources,
• la fonction de (re)distribution
• la fonction de régulation (juridique et économique)
4) Enfin, la dernière limite importante est d’ordre international, et permet de beaucoup mieux comprendre pourquoi on a longtemps pensé, et que l’on a toujours de bonnes raisons de penser, qu’il n’y a pas « d’argent magique ».
En effet, dans une économie fermée, les seuls risques de la politique de relance sont l’inflation (ce qui est un faux problème quand l’inflation est faible) et l’inefficacité de la structure productive (contre laquelle l’argent ne peut rien à court terme, les investissements nécessitant du temps et des ressources qui ne sont pas uniquement financière, mais également matérielles, intellectuelles, scientifiques, …).
Cependant dans une économie ouverte et mondialisée, l’efficacité de la politique de relance dépend de deux aussi de 2 autres critères :
[- Le caractère national de la consommation des ménages et des entreprises grâce à leurs surplus de liquidités.
– La politique économique des partenaires commerciaux.]
En effet si jamais les entreprises, et surtout les ménages, achètent majoritairement des produits importés, alors la politique de relance sera détournée : elle profitera à la croissance des autres pays, et la seule conséquence pour l’Etat qui la pratique, sera l’augmentation de la dette publique. Cet effet de détournement peut être aggravé si, alors même qu’un Etat pratique une politique de relance, ses partenaires commerciaux pratiquent des politiques d’austérité, car dans ce cas-là, les bénéfices de la politique de relance au niveau interne, sera nullifiée par la baisse des exportations vers les autres pays qui consomment moins.
L’histoire économique de la France contient un cas d’école de cette situation, où en 1981, alors que le reste du monde prennait le tournant de la rigueur, la France du gouvernement Mauroy est la seule à pratiquer la relance. Les conséquences négatives de ce plan de relance (inflation, aggravation du déficit public et du déficit extérieur, …) sont largement supérieures à ses bénéfices (hausse du chômage modérée et maintien du pouvoir d’achat des ménages)
Pour conclure, l’usage d’une politique de relance n’est pas un instrument magique pour résoudre les crises économiques.
Cependant, aujourd’hui, toutes les conditions de réussite d’une politique de relance sont réunies (faible inflation, hausse du chômage, besoins d’investissement dans les services publics, économie de concurrence oligopolistique, …), à condition que les politiques de relance budgétaire et monétaires soient coordonnées, notamment au niveau de l’Union Européenne. Seul problème ? La fin d’une économie de forte croissance (en moyenne 5% par an) dans les pays développés, qui sont plutôt dans un régime de faible croissance (en moyenne 2% par an), à tel point que certains économistes parlent aujourd’hui de « stagnation séculaire » ou même de Croissance Zéro (Patrick Artus, 2015).
Ainsi, peut-on encore considérer que les politiques de relance traditionnelles pour relancer un modèle économique qui paraît à bout de souffle ?
Sources :
https://www.wikiwand.com/fr/Politique_de_relance
https://www.wikiwand.com/fr/D%C3%A9faillance_du_march%C3%A9
https://www.maxicours.com/se/cours/les-fonctions-economiques-et-sociales-de-l-etat/
http://ses.ens-lyon.fr/articles/la-stagnation-seculaire-quels-enjeux-pour-les-pays-industrialises
https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2016-1-page-145.htm
Politique de relance du coronavirus:
https://youtu.be/ZAFXDl-Lszc (#BCE #750_milliards #Quantitative_Easing)
https://youtu.be/CFtS-nLgYu8 (#Gouvernement #300_milliards #45_milliards)
https://youtu.be/8wZ-g4mqGFQ (L’apocalypse par l’inflation (ou pas)
Débats sur la stagnation séculaire :
https://youtu.be/PDeeUr_FgjE (Alexandre Mirlicourtois, Directeur de la prévision de Xerfi)
https://youtu.be/dPjaUVQs9wk (Christian Chavagneux, Economiste et éditorialiste à Alternatives économiques)
https://www.melchior.fr/note-de-lecture/croissance-zero (Patrick Artus)
-Cependant, aujourd’hui, un plan de relance ne sera-t-il pas un échec dans une perspective de croissance économique faible, et qui rentre de toute façon en contradiction avec la crise écologique ?
La notion qu’il est important de développer ici, c’est la soutenabilité environnementale de la croissance (voir « Green New Deal » et croissance verte), ainsi que les limites du mode de calcul de la croissance : le PIB.
Ma conviction aujourd’hui est au vu de notre façon de définir la croissance, le « retour à la croissance » fantasmé par nos dirigeants politiques est une utopie dangereuse et contre-productive, car la croissance actuelle est à la fois non soutenable écologique (pollution, surexploitation des ressources naturelles, …) et socialement (inégalités, pauvreté, …).
Cependant, je pense qu’aujourd’hui il serait pour le moins périlleux de chercher à prédire la croissance engendrée par la politique de relance mondiale qui commence à être mise en œuvre, car cela dépend fondamentalement des secteurs économiques (finance, agriculture, industrie traditionnelle, industrie innovante, tertiaire, …) et des agents (entreprises non financières, entreprises financières, ménages, Etat et collectivités publiques, …) ciblés par cette relance.
Je vous renvoie à l’ensemble des sources de cet articles, mais notamment les sources ci-dessous pour vous forger votre propre avis (le timecode pour aller direct à la conclusion se trouve dans la description des vidéos) :
https://youtu.be/z0KK0uaXfLE (Croissance & PIB pour les nuls (avec Le réveilleur) – Heu?reka #20)
https://youtu.be/4-V4SFp5S-k (Le PIB, cette fausse boussole – #DATAGUEULE 54)
https://youtu.be/s41wQ4fqfBU (Croissance & énergie : l’erreur des économistes ? – Heu?reka #28)
Comment imaginer un après COVID-19, sans penser au post-capitalisme ?
La crise du COVID-19, comme nous l’avons vu, en plus d’être la crise sanitaire majeure de ce début du XXIème siècle, risque de devenir la crise économique la plus révélatrice des excès du capitalisme à ce jour, seulement 12 ans avec la crise de 2008. Si encore une fois la crise va être financière, car on imaginerait mal un système productif mondial, si flexible et si divers, s’effondrer sous le poids de la récession économique, la crise COVID-19 est une crise encore plus globale, touchant aux aspects les plus élémentaires de la vie de chacun.
En effet, cette fois la crise s’étend sur de nouveaux terrains : tout d’abord sur le terrain idéologique, car si la crise de 2008 avait déjà contribué à diaboliser les banques et le milieu de la finance « déconnecté de l’économie réelle, en plus d’être profondément cupide et immorale », dont l’image c’était depuis bien remise, la crise de 2020 ne manquera pas de faire remarquer que rien ou presque n’a changé depuis cette sombre époque pour « les 99% » (référence au mouvement « Occupy Wall Street » https://www.occupy.com/article/we-are-still-99-percent https://www.occupy.com/ ).
De plus, cette faillite idéologique s’est étendue à la mondialisation, tenue pour responsable de l’épidémie et des pénuries qui s’en sont suivis (alors même que c’est cette même mondialisation qui a permis une telle abondance en temps de « paix »), mais également au libéralisme, incapables sauver les emplois, de planifier une production massive de masques à l’échelle nationale, sans même parler de combattre l’épidémie.
En effet le retour en force de l’Etat au-delà des prérogatives qui sont habituellement vues comme étant les siennes (la sécurité, la santé, l’éducation, …), sur le terrain économique et réglementaire notamment (dans une économie où les grands syndicats et groupes d’intérêts patronaux de tous les pays ne cessent de répéter que « l’Etat coûte trop cher » et qu’il y a décidemment « trop de normes qui entravent le marché »), et ce de façon si soudaine, est à la fois surprenant et … un peu effrayant : Comment cette crise a-t-elle pu changer l’agenda politique de façon si radicale ?
Cette radicalité, nous pouvons la retrouver dans de nombreuses politiques économiques que l’on aurait jugé impensable ou utopique quelques mois plutôt, citons quelques exemples :
-La volonté d’instaurer un revenu de base en Espagne :
https://korii.slate.fr/biz/economie-philippe-van-parijs-interview-revenu-base-universel-decryptage
https://youtu.be/WUtjf5dXuig (Le revenu de base – Heu?reka #18)
-Retour de la planification économique dans de nombreux pays
-Le renouveau de la pensée de L’économie de l’écologie (la social écologie), qui est un courant économique qui pense que le social et l’écologique sont intimement liés, et qui promeut une « écologie collective délibérée de façon démocratique » :
Cependant et pour conclure, l’éventualité du post-capitalisme ne doit pas être vu comme une révolution absolument nécessaire (dans le sens où elle arrivera forcément), en effet d’autres mesures laissent présager d’un « retour à la normale », voire même d’une « intensification du processus capitaliste », qui pourrait même être aggravé par un Etat rendu plus autoritaire par la crise et par l’usage exacerbé des technologies numériques :
Et ce d’autant plus que nous ne sommes pas tous conscient que l’épidémie de coronavirus est la conséquence d’une dégradation environnementale plus fulgurante que jamais :
Enfin, il y a bien entendu de nombreuses questions que nous n’avons pas approfondies ici (collapsologie, inégalités, gouvernance mondiale, démocratie, …), mais ce qui est certain, c’est que le « Green New Deal » ne saurait être le remède miracle de l’économiste et du politicien (n’en déplaise à Jeremy Rifkin), si la volonté politique qui le porte ne souhaite pas transformer durablement l’économie de façon à la rendre soutenable socialement et écologiquement.
En fin de compte, tout ce qui compte pour répondre à l’énigme du « Green New Deal », c’est le monde d’après.
Puisse les citoyens des pays démocratiques réfléchir sur l’avenir et sur le monde en ces temps troubles, afin de se saisir le plus rapidement possible des décisions politiques cruciales que nous devrons prendre dans les années qui viennent. L’erreur la plus grave serait d’attendre que la crise soit résolue pour reprendre le débat démocratique.
Car l’urgence économique, sociale, écologique, est aussi démocratique.
Sources :
http://www.slate.fr/story/189141/coronavirus-epidemie-economie-fin-capitalisme
https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/eloi-laurent-est-linvite-des-matins
https://youtu.be/l19L_8xvyDo (2058 • Palingénésie #01)
https://www.tse-fr.eu/fr/leconomie-du-coronavirus-quelques-eclairages
http://www.slate.fr/story/188421/coronavirus-demondialisation-echanges-frontieres-chine
Sources livres :
Capital et Idéologie, Thomas Piketty
Le New Deal Vert mondial, Jeremy Rifkin
La fin du travail, Jeremy Rifkin
Nos mythologies économiques, Eloi Laurent
Un nouveau monde économique, Mesurer le bien-être et la soutenabilité au 21ème siècle, Eloi Laurent et Jacques le Cacheux
Patrick Artus, Croissance Zéro