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Peut-on faire confiance aux experts scientifiques pour mener la transition écologique ?

Introduction : L’opinion publique écologique face à la parole scientifique

Pour former l’opinion publique écologique – des « simples citoyens » tout comme celle des professionnels titulaires de savoirs spécifiques – nous sommes tous dépendants de la parole – orale et écrite – des experts de toutes les disciplines scientifiques (climatologues, physiciens, biologistes, paléontologues, géographes, économistes, sociologues, …) qui transmettent et restituent leurs savoirs spécifiques sur l’écologie.

En effet, a priori, nous sommes collectivement contraints d’accorder un quasi-acte de foi à la parole des experts scientifiques, car ils restent indispensables dans la collecte, l’accumulation, l’analyse et l’interprétation des données formant les savoirs.

Or, pour exprimer leurs savoirs, chaque discipline scientifique possède son propre langage-grammaire – pour la plupart hyper-formalisés-spécialisés – qui :

Sont structurés par un modèle de représentation ITP

Instituent politiquement

Produisent scientifiquement

Idéologique

Les visions (passées)

Les axiomes et postulats – construits par leur tradition historique et leurs valeurs – qui présupposent nos relations (passées) entre les humains et leur environnement, càd leurs rapports écologiques.

Théorique

Les situations (présentes)

Les hypothèses et les raisonnements – constitués par leurs institutions politico-scientifiques actuelles – qui expliquent les causes et les dangers (présents) des changements écologiques.

Pratique

Les prévisions ou prospectives (futures)

Les résultats et les conclusions – composés par leurs méthodes, approches et modes d’action déterminés par leur « sens commun » – qui alertent sur les conséquences et les risques (futurs) des dégradations écologiques.

Nous le verrons, les savoirs ainsi institués et produits par les différentes disciplines scientifiques laissent un large choix à l’humanité en termes de transition écologique et de composition d’un « sens commun ».

Sur ce point, le livre de Michaël Fœssel, Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique met parfaitement en scène de façon tragi-comique le rôle politique majeur des experts scientifiques : avec leurs discours (ou leurs récits) – souvent déprimants voire catastrophistes – leurs « vérités » assénées et leur « préférence absolue pour la vie », ils bâillonneraient la démocratie en privant les citoyens de l’humanité, la liberté de décider de disparaître plutôt que de survivre à tout prix (Fœssel, 2012).

Selon cette vision ; la parole scientifique viserait alors surtout à se convaincre eux-mêmes entre pairs scientifiques, plutôt que l’opinion publique, à qui on demande seulement de respecter l’autorité de la Science, car les scientifiques seraient les seuls à lutter pour la vie face à l’humanité qui souhaiterait démocratiquement sa propre mort.

Pour autant, peut-on légitimement laisser les experts scientifiques contraindre la décision publique, au risque de mettre entre parenthèses voire d’hypothéquer (définitivement) la démocratie politique ?

En effet, comme l’’illustre superbement le film Dont Look Up réalisé par Adam McKay en 2021, la rhétorique apocalyptique et verticale des scientifiques est particulièrement inefficace pour communiquer avec les autorités politiques et influencer l’opinion publique (Angelone, 2022) (Little, 2022) (Mede, 2022).

En effet, face à l’urgence écologique, il faut souligner la porosité presque nécessaire entre la multiplication des appels à l’action par de très nombreux scientifiques et la montée des réactions apocalyptiques dans le monde politique et militant, partagées entre panique, ignorance choisie, sidération et résignation qui au contraire conduisent à l’inaction.

A l’inverse, dans cet article, nous nous référons au « sens commun » en tant que concept qui désigne le(s) état(s) du monde futur collectivement désiré ou souhaité. Selon la définition de la philosophe des sciences Isabelle Stengers[1], le « sens commun » est un « ensemble de savoirs organisant la vie sociale mais qui ne sont pas forcément universels », ce qui suppose que « le savoir n’est pas un progrès constant, ni une histoire arbitraire. Il s’agit d’une aventure participative », à la fois politique et scientifique (Stengers, 2020).

Par conséquent, compte tenu du fait qu’aucune parole ne peut être uniquement « politique » ou « scientifique », la tension politico-scientifique est inévitable, et inhérente au processus discursif de la parole scientifique.

Pour étudier cette tension politico-scientifique on peut alors poser la problématique suivante : Dans quelle mesure peut-on donner une confiance politique à la parole (càd aux récits et aux discours) des experts scientifiques ?

Problématique : Comment mesurer la confiance que l’on peut accorder aux experts scientifiques ?

Nous l’avons vu, le degré de confiance (ou de foi) politique dans la parole des experts scientifiques, est un indicateur déterminant pour qu’il soit possible de forger une opinion publique écologique consciente mais aussi autonome du pouvoir qui l’influence, autrement dit, pour mesurer l’intensité des rapports d’interdépendance entre démocratie politique et expertise scientifique.

Notons que cette variable ainsi définie ne peut progresser que dans la stricte dépendance à ses conditions historiques d’existence et de possibilité dans la durée spatio-temporelle, et non pas sa simple existence à un moment et un lieu donné.

Ainsi, la durabilité « politico-scientifique » de la confiance politique dans la parole scientifique se mesure par 2 indicateurs-clés spatio-temporels :

Qualitativement, plus ces durabilités sont des libertés instituées, plus cela implique une convergence vers une science globale ou un « sens commun » – qui ne vit pas dans une temporalité séparée de la société [1], et ne se sclérose pas en divers espaces incompatibles [2] – qui permet de surmonter les contraintes écologiques instituées.

Nous le verrons, il en résulte que la composition des savoirs spécifiques à l’écologie ne peut se concevoir que dans une perspective politico-scientifique, où les experts scientifiques ne peuvent ignorer la véritable dimension politique de leurs discours qui détermine le degré de confiance réel qu’on lui accorde.

Dans notre article, nous prendrons l’enjeu iconique du changement climatique et plus largement de la crise écologique. A partir de notre modèle conceptuel, la problématique centrale que l’on doit collectivement résoudre (ou « vérifier ») est triple :

Plus concrètement, pour composer une démocratie de « sens commun » écologique, il faut que nous soyons intellectuellement capables de :

Chacune de ces capabilités doit se décliner de façon politico-scientifique et veiller à leur durabilité spatio-temporelle (càd dans l’espace et dans le temps).

Annonce de Plan :

Ainsi, pour répondre à notre problématique, nous commencerons d’abord par interroger le processus d’évaluation par les pairs qui est central dans l’idéologie de la Science qui s’impose au politique [1]. Puis nous étudierons les conditions de l’inter-disciplinarité scientifique pour envisager le développement d’une science globale, qui est nécessairement engagée par le politique [2]. Enfin, nous pourrons explorer les contraintes de la gouvernance de(s) science(s) et de(s) politique(s) qui composeront la transition de « sens commun » écologique [3].

Nous le verrons, la gouvernance politico-scientifique du « sens commun » écologique que nous cherchons à construire romprait avec l’ensemble des présupposés datés de l’économie, et plus généralement des sciences des 18ème et 19ème siècles issues des Lumières, qui ont subi de nombreux rafistolages sans jamais repenser radicalement leurs fondements. Cette proposition s’appuie notamment sur les découvertes des travaux en sociologie des sciences et en écologie politique à partir des 1970s.

1) Construire une idéologie des sciences fondée sur l’évaluation par les pairs politico-scientifique

Thèse soutenue : Pour construire du « sens commun », l’évaluation par les pairs doit être politico-scientifique, pour que la vérification scientifique aille de pair avec le contrôle démocratique des citoyens.

Problématique générale : L’évaluation par les pairs – y compris par les meilleurs experts scientifiques – est-elle suffisante pour éviter les erreurs individuelles de diagnostic et aboutir à des certitudes collectives ?

Cette problématique s’applique notamment aux situations où la publication et la diffusion des résultats scientifiques remettent en cause des certitudes, des intérêts, des habitudes, des traditions ou des croyances.

L’évaluation par les pairs : Un processus scientifique ou politique ?

Aujourd’hui, pour un scientifique de la plupart des disciplines, les règles classiques consistent à publier des articles scientifiques dans des « revues à comité de lecture » où les procédures de contrôle et d’évaluation par les pairs sont strictes et rigoureuses.

Cette évaluation par les pairs scientifique est censée réduire au maximum les biais et les erreurs individuelles en soumettant les savoirs scientifiques au jugement d’une intelligence collective restreinte aux autres spécialistes détenteurs des mêmes savoirs experts de la discipline : les pairs.

Ces pairs se rassemblent temporairement au sein d’un « comité de lecture ». Les articles sont préalablement anonymisés, puis soumis a minima à une « double lecture », puis, si nécessaire, consacrés à une discussion collective en comité.

Cependant, si à court-terme, cette procédure joue un rôle de consolidation scientifique qui permet de renforcer la légitimité des savoirs scientifiques ; à long-terme, elle peut conduire au verrouillage idéologique sous le poids des traditions scientifiques. C’est notamment le sens de la formule du philosophe des sciences Alfred North Whitehead dès les 1920s qui disait que : « Une science qui hésite à oublier ses fondateurs est condamnée […] mais une science qui refuse sa mémoire, qui oublie ses fondateurs, est condamnée aussi. »[2]

Ainsi, toute discipline scientifique doit chercher délibérément à oublier son passé, car sinon, tournée vers ses origines, on ne pourrait plus avancer. Inversement, elle ne doit pas ignorer l’histoire des sciences, notamment lorsqu’elle se retrouve dans l’impasse ou dans l’erreur, ou encore lorsqu’elle est vivement critiquée par le reste de la société.

Pour le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond, cet équilibre épistémique est nécessaire car la science n’est pas indépendante de la politique. Si elle doit chercher à comprendre, elle doit cependant parfois se justifier. Pour se justifier, elle doit se connaître et se faire connaître, càd se constituer une idéologie et militer pour la défendre et la promouvoir (Atlan, 2003).

Dans ce contexte, lorsqu’on s’intéresse à l’élaboration d’un « sens commun », l’évaluation par les pairs comme instrument de validation d’un progrès durable et indépassable n’est alors qu’une fiction auto-réalisatrice tirée de notre conception moderne de la Science, qui se considère comme une source immanente de progrès (Latour, 2004).

Ainsi, pour Amy Dahan – mathématicienne et historienne des sciences qui étudie les délibérations sur le changement climatique menées durant les conférences climats (COP) depuis les 2000s en tant qu’enjeu mondial et global – cette évaluation par les pairs scientifique doit être complétée, si ce n’est précédée par une évaluation par les pairs politique pour être pleinement acceptée (Dahan, 2007).

Pour autant, même lorsque les pairs scientifiques et politiques travaillent de concert, le processus d’évaluation par les pairs ne doit jamais être présentée comme la panacée pour garantir la qualité des connaissances scientifiques, et encore moins pour garantir la légitimité des décisions politiques.

En effet, cela serait donner une confiance excessive dans le modèle de la démocratie représentative dans lequel nous sommes aujourd’hui, alors même qu’on en connaît largement les limites.

Notamment, les pairs scientifiques qui procèdent à l’évaluation n’auraient-ils aucuns biais individuels et seraient-ils totalement immunisés aux dynamiques collectives des biais politiques ? De même, aussi représentatifs qu’ils puissent être, les pairs politiques peuvent-ils vraiment être une référence pour tous ?

En effet, il serait excessivement naïf de penser qu’aucun pairs scientifiques et/ou politiques ne résistent aux changements politico-scientifiques, voire ne soient rétifs au principe même de la démocratie. On pourrait même raisonnablement penser que les échecs de la démocratie implique qu’ils soient une majorité à y être opposé, ou au moins que la conception d’une démocratie scientifique ne fait l’objet d’aucun consensus majoritaire.

Ainsi, paradoxalement, l’intégration d’une dimension idéologique et politique à l’évaluation par les pairs scientifique permet de prendre en compte des biais collectifs, auxquels on ne peut pas se soustraire individuellement. En effet, les pairs scientifiques – aussi divers qu’ils puissent être au sein d’une même discipline – sont déterminés par une sociologie particulière qui ne saurait les immuniser de la société qui la produit (Latour & Callon, 1991).

Le GIEC : L’institution politico-scientifique mondiale du changement climatique

Sur l’enjeu du changement climatique – l’ampleur de la contribution du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)[3] fondé en 1988 par l’ONU tient à son statut d’institution politico-scientifique mondiale d’une puissance (=potestas) inégalable, dans laquelle cette confrontation politico-scientifique se joue explicitement.

Si les résultats que le GIEC produit ne sont pas parfaits, ils nous permettent de discuter sur ce que signifie de produire des savoirs partagés de « sens commun ». Ces savoirs plus « politiques » ne sont pas plus « fiables » et « incontestables » que des savoirs purement « scientifiques », mais au contraire mieux contestés par la mobilisation de l’intelligence collective et à la délibération (ou discussion[4]) démocratique, et donc plus authentiques.

En effet, le GIEC permet de produire et de valider un savoir politico-scientifique partagé avec à la fois le plus d’autorité (= auctoritas) et de consensus (= cōnsentiō) (Dahan, 2007) :

Scientifique

Politique

Le GIEC rassemble un panel mondial de centaines d’experts scientifiques[5] parmi les « meilleurs d’entre eux » de nombreuses disciplines surtout des sciences naturelles (climatologues, physiciens, biologistes, paléontologues, …) mais aussi des SHS (géographes, économistes, sociologues, …) qui ont « contribué à reconfigurer la recherche en mettant en avant des questions jusque-là peu considérées ».

De plus – sur le papier – sa production institutionnelle de savoirs climatiques présente de solides garanties scientifiques, car elle obéit aux règles classiques de la publication scientifique.

Le GIEC a un mode de gouvernance original, car il n’est ni un laboratoire de recherche ni même une instance exclusivement scientifique.

Le GIEC assure « une expertise entre science et politique » dans la mesure où ce ne sont pas les chercheurs qui sont membres du GIEC mais les nations.

Les personnes siégeant à l’assemblée générale du GIEC ne font que représenter les pays membres (1 voix par pays) qui définissent le programme de travail de l’institution, càd la production institutionnelle de savoirs.

Finalement, ces savoirs politico-scientifiques sont médiatisés par des institutions nationales et internationales qui engagent leur crédibilité. C’est pourquoi, pour évaluer des informations techno-scientifiques sensibles, ces institutions demandent que « … les rapports sont préparés par des équipes de rédacteurs, durement sélectionnés sur la base de leurs compétences scientifiques », encadrées par de lourdes précautions de qualité et de nuance pour confronter leurs publications et résultats (Dahan, 2007) :

« Le processus de « referee » est extrêmement long et lourd : les rédactions des chapitres devront passer par deux stades d’examen et de réécriture, d’abord par des pairs scientifiques, ensuite par les pairs et les gouvernements. Les rapports finaux doivent ensuite être adoptés en session plénière et seront accompagnés de résumés techniques et de « résumés pour les décideurs », ceux-ci devront être approuvés ligne par ligne. » (Dahan, 2007)

Finalement, ce mode de gouvernance politico-scientifique du GIEC, montre que le temps où l’on pouvait croire que la science livre des résultats objectifs dans toute leur pureté aux politiques est révolu. Il y a en réalité co-construction intersubjective entre politique et science, comme l’ont montré de nombreux travaux de socio-histoire des sciences, qui permettent de comprendre que les travaux du GIEC sont dépendants du contexte général dans lequel ils s’effectuent, tel que (Dahan, 2007b) :

Notamment, Gilles Cohen-Tannoudji professeur d’université en astrophysique à Paris XI qui tient un blog personnel depuis 2011 pour exprimer des opinions plus personnelles sur le changement climatique et les questions d’énergie ; fait remarquer que « Le fait que le GIEC soit un organisme gouvernemental interdit d’imaginer une autre perspective qu’une croissance continue. » ce qui explique que « tous les scénarios, sans exception, font l’hypothèse d’une croissance économique continue de l’ordre de 2 % par an dans tout le 21ème siècle[6]».

Ainsi, la fonction de scénarisation du GIEC est sans doute la plus problématique.

En effet, les résultats des climatologues sont intégrés dans des scénarios qui comportent différents jeux d’hypothèses – le rapport Meadows étant précurseur de cette méthodologie (Meadows et al., 1972) – qui mériteraient d’être davantage discutés.

En particulier, cette fonction de scénarisation doit nous amener à nuancer une relation trop linéaire et dichotomique entre expertise scientifique et décision politique, comme s’il existait deux types de savoirs, ou encore deux processus de production des savoirs parfaitement dissociables ou emboîtables.

De même, il n’y a pas de superposition automatique entre une science qui façonneraient les décisions politiques, ou bien une politique qui s’imposeraient pleinement à l’expertise scientifique, mais bien un enchevêtrement complexe.

En effet, nous l’avons vu, la scénarisation de tout « sens commun » – en tant qu’état du monde désiré – repose autant sur des interprétations subjectives que des intérêts objectifs pour lesquels les sciences ont autant d’implications politiques, que les politiques ont d’implications scientifiques, tant dans la mise en vérité des représentations du monde que les mises en réalité des actions sur le monde. Ainsi, l’usage du modèle de représentation idéologique-théorique-pratique (ITP) qui s’inscrit dans une approche politico-scientifique, vise à rendre compte de ce double regard et rééquilibrer un régime technocratique, dans lequel la Science est mère des vertus, et le Politique père des vices ; par le développement d’un régime démocratique.

Ce régime démocratique ne serait pas la substitution de l’arbitraire scientifique par l’arbitraire politique, mais au contraire la remise en cause permanente de cette distinction science/politique, afin de produire des savoirs et des décisions collectivement partagés.

Aussi, tant dans le champ politique que scientifique, il faut nous garder de toute définition de la démocratie trop arrêtée. LA Démocratie ne sera jamais seule et unique, indépendamment de tout contexte social, culturel et historique, comme peut l’être la conception neutralisée que l’on peut avoir de LA Science aujourd’hui, mais sera toujours plurielle dans l’expression de ses voix, et l’emprunt de ses voies. Pour autant, nous ne renoncerons pas à proposer des théories (ou principes) démocratiques qui, en tenant compte de leurs articulations avec les idéologies et les pratiques de « sens commun » multiples, peuvent nous permettre de réaliser un meilleur « sens commun » qui nous préserve des désharmonies entre potentiels démocratiques, ainsi que des relativismes spirituels et matériels, qui sont tous trois impropres à l’action ; écologique pour ce qui nous concerne ici.

La Science (politique) : Doute du consensus et consensus du doute

Finalement, Jean-Marc Jancovici résume toute la puissance scientifique mais aussi toute la rigidité politique du GIEC : Puisque les rapports du GIEC ont tous été approuvés à l’unanimité des pays membres – faute de mieux – on peut considérer que « tout ce qui fait l’objet d’un consensus dans les rapports du GIEC peut être tenu pour une certitude[7]».

Ainsi – dans la réalité – les scientifiques parlent un langage si formalisé-spécialisé, qu’ils nous empêchent de mettre en débat leurs idéologies, comprendre leurs théories, et enfin vérifier et contester leurs pratiques, en bref, les soumettre à une analyse ITP.

C’est pourquoi l’honnête citoyen a de quoi se sentir désarmé pour faire le tri dans l’abondance d’informations souvent contradictoires.

Ainsi, même une institution a priori aussi légitime que le GIEC ne parvient ni à éteindre les controverses, ni à mettre en cohérence les discours (scientifiques) et les actes (politiques) des acteurs collectifs et individuels du changement climatique.

Par exemple, cette confusion s’illustre lors de la publication du 5ème rapport du GIEC en 2013, est secouée de nombreux conflits. En France, les « climato-sceptiques » – qui ne remettent pas en cause la réalité du réchauffement climatique, mais son imputation à l’activité humaine – ont eu beaucoup de voix par Claude Allègre ou Vincent Courtillot.

D’autres diagnostics du rapport sont toujours fortement remis en cause notamment :

Face à cette situation, la politisation, et même la démocratisation du processus d’évaluation par les pairs est nécessaire pour une meilleure information de l’opinion publique écologique.

Or, nous allons le voir, les conditions de production d’un tel savoir démocratique sont dépendantes de notre capacité à constituer l’interdisciplinarité au sein d’une nouvelle science globale et engagée.

Dans son texte « Allons savoir ! », Jean-Marc Lévy-Leblond explique que la nécessité de cette science interdisciplinaire est de mieux faire la différence entre l’ignorance implicite, non assumée et l’ignorance explicite, revendiquée ; par une démarche d’humilité sur les limites de toute forme de savoir spécifique, notamment celui produit par une unique discipline scientifique. Il le résume superbement dans la formule suivante : « Si je ne vous parle que de ce que je sais, vous vous méfierez de mon outrecuidance, et vous aurez parfaitement raison. Mais si je vous donne acte aussi des limites de mon savoir, de mes ignorances, vous me ferez peut-être un peu plus confiance. » (Atlan, 2003).

2) Constituer une théorie de l’interdisciplinarité au sein d’une science globale et engagée

Thèse soutenue : Pour constituer un meilleur « sens commun », càd le monde comme nous le voulons, il faut s’orienter vers une science globale qui dépasse les incompatibilités disciplinaires des différentes disciplines scientifiques qui prétendent expliquer le monde, ses lois, ses représentations et ce qu’il faut faire.

Problématique générale : Comment et pourquoi construire cette « nouvelle science » post-disciplinaire ?

Pour le savoir, nous devons nous interroger sur ce que serait les conditions de composition d’une trajectoire vers un état du monde futur collectivement désiré (plus simplement, un « sens commun »).

Cette nouvelle science doit pouvoir proposer une modélisation qui représente ce « sens commun », qui doit être à la fois Idéologique-Théorique-Pratique (ITP) :

Généralement, dans ce cadre, 2 hypothèses sont envisagées, qui constituent 2 réponses potentielles à notre problématique :

Hypothèse 1 : L’uni-disciplinarité de la Science

Hypothèse 2 : L’inter-disciplinarité des sciences

Parmi toutes les disciplines scientifiques, il existe une Science qui est la plus adaptée pour représenter de la façon la plus précise et convaincante notre « sens commun »

À l’intersection de toutes les disciplines scientifiques, il existe un langage – qui reste à traduire et à composer – qui permet de décrire notre « sens commun »

Nous le verrons, l’arbitrage entre l’uni-disciplinarité et l’interdisciplinarité ne se posera pas dans les mêmes termes, selon quelles contraintes on considère comme les plus « contraignantes » ou « déterminantes » pour le monde et la réalisation du « sens commun » :

Contraintes naturelles (physiques, climatologiques, biologiques, …)

Contraintes sociales (géographiques, économiques, sociologiques, …)

Réduire les émissions de GES

Trouver le financement nécessaire à la transition écologique

Stopper la dégradation de la biodiversité

Renoncer à construire une autoroute/aéroport.

Hypothèse 1 : L’uni-disciplinarité ou la pluri-disciplinarité hiérarchisée

Problématique : Peut-on légitimement laisser une unique discipline (la climatologie, l’économie, …) dominer notre « sens commun » alors que toute discussion est (quasi-)impossible avec d’autres disciplines scientifiques ainsi que les citoyens politiques ?

En effet, la conception de l’uni-disciplinarité encourage chaque discipline scientifique :

De cette manière, chaque discipline est encouragée à se considérer comme une Science objective, dont les frontières sont clairement fixées, notamment avec la subjectivité de la Politique, qui ne saurait y entrer au nom de la neutralité axiologique. Bien sûr, plus une discipline est valorisée parmi les autres sciences, et hiérarchisée en son sein, plus elle est encouragée par cette conception de l’uni-disciplinarité qui renforcera du même coup ses valeurs et ses intérêts.

Or, cette opposition Science/Politique va de pair avec une distinction entre Nature et Culture, qui suppose à la fois une séparation du monde physique et de la société humaine mais aussi une hiérarchisation entre les Sciences de la Nature (SN) et les Sciences Humaines et Sociales (SHS), les premières renvoyant à l’objectivité absolue des sciences véritables, et les secondes aux subjectivités relatives des politiques et des cultures (Latour, 2004).

Les contraintes sociales priment sur les contraintes naturelles sous l’hégémonie de l’Économie (Politique)

Pourtant, paradoxalement, dans cette distinction qui vise à séparer humain et nature, ce sont les SHS qui joue en réalité un rôle bien plus grand, en créant un régime de science à part aux activités humaines, qui s’offrent le luxe « d’ignorer » ou bien « d’intégrer » la nature ou encore la politique à leur convenance.

Au sein de ces SHS, depuis le 20ème siècle, l’économie standard-orthodoxe est devenue la science la plus avancée et légitimée pour jouer le rôle de science globale, notamment par :

En effet, ontologiquement, l’Économie se définit comme la science qui étudie la valeur (les fins) et le choix rationnel qui en découle (les moyens). Selon Lionel Robbins – l’économiste libéral qui lui donne sa définition classique en 1932 – « l’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens rares à usage alternatif », les fins et moyens rares pouvant être humains ou naturels (Robbins, 2007).

La mathématisation : l’émergence d’une économie « standard » ou « orthodoxe »

Historiquement, cette économie « standard » remonte seulement aux 1870s avec la révolution intellectuelle marginaliste des économistes dits « néoclassiques » (Léon Walras, William Stanley Jevons et Carl Menger). Ce courant qui devenir « orthodoxe », initie et approfondie la formalisation mathématique de l’économie tout au long du 20ème siècle ce qui explique pourquoi de nombreux économistes néoclassiques (Vilfredo Pareto, Alfred Marshall, Arthur Pigou, Eugen von Böhm Bawerk[8]), et keynésiens (J.M. Keynes, John Hicks, R.F. Harrod, E. Domar), étaient mathématiciens avant d’être économistes (Dostaler, 2015).

Dans la conception moderne de la Science, la science mathématique fait figure d’autorité pour résister au relativisme de valeur que dictait les choix politiques, conception largement soutenue par les SHS. La mathématisation permet alors à l’Économie d’affermir sa prétention à se constituer en tant que « vraie Science », indépendante de la Politique, bien que la sociologie lui emboîte le pas de la mathématisation dès les 1890s (Guerrien, 2007).

Mais, en contrepartie, la science économique s’est retrouvée enclavée au sein des sciences mathématiques pour rester légitime et théoriquement séparée du politique. En effet, en pratique, les mathématiques ont aussi été instrumentalisées pour définir les finalités de l’économie politique, qui ne serait plus qu’une affaire de nombres et de calcul, ce qui conduit à penser l’économie comme un système indépendant, voire « naturel », au sens d’une rationalité de bon sens, et aussi justifier nul besoin d’interventions humaines pour réguler l’économie, puisque l’économie suivait des lois mathématiques (Desrosières, 2008).

L’Économie (Politique) moderne : Une Science qui nie être Politique

Ainsi au 21ème siècle, le langage économique hyper-mathématisé est devenu un langage dominant capable d’énoncer des lois qui semblent universellement valables :

Ainsi, au 21ème siècle, l’Économie (qui nie être politique) se constitue comme la Science (de gouvernement) dominante, dont le champ de modélisation et d’action extrêmement vaste – incomparable avec celui d’autres SHS – que l’on peut décrire par notre modèle conceptuel Idéologique-Théorique-Pratique (ITP) :

Idéologie :
La description des lois du comportement humain en société, et des rapports humains-nature

Le langage-grammaire économique s’est banalisé à la fois dans les médias, dans la vie quotidienne et dans les sociétés savantes.

En effet, il ne semble y avoir plus aucune rupture entre le Marché comme idéologie abstraite, le supermarché où on fait ses courses comme pratique concrète, et la « marche (du marché) du monde » comme théorie intermédiaire reliant l’idéologie à sa pratique.

Théorie :
L’explication des situations actuelles et les prévisions du « sens commun »

Les économistes sont parmi les premiers à avoir développé des « modèles prospectifs », des représentations simplifiées de l’état du monde à venir, avec lesquels on construit des scénarios. Ces scénarios sont écrits dans un langage économique dont les phonèmes sont les prix et les quantités, les mots des équations et des fonctions de production, et les phrases décrivent des taux de croissance du PIB, de la population, du chômage, de l’emploi, …

Notamment, depuis les 1970s, les économistes proposent des modèles pour penser la gestion environnementale des ressources naturelles.

Pratique :

L’arbitrage des décisions que nous devrions prendre

Les économistes sont devenus les conseillers du prince, à l’intérieur de l’administration (directions statistiques des ministères, cabinets ministériels, Inspection des finances, Direction générale du Trésor, Insee…), comme à l’extérieur (départements d’économie des universités, centres de recherche, instituts, écoles, départements d’étude des banques, institutions internationales…).

Pourtant, est-il légitime que la science économique devienne une science mathématique ?

L’hétérodoxie en sciences économiques : Une longue tradition de l’économie à l’épreuve des faits historiques et écologiques

Malgré cette hégémonie, il existe tout de même une minorité d’économistes (qui sont souvent pluridisciplinaires) qui considèrent que la représentation simplifiée que l’économie propose du monde est fausse et dangereuse.

Tout d’abord, pour la Théorie de la Régulation (TR), l’économie est au contraire une SHS comme les autres, car les faits économiques sont fortement influencés par les faits sociologiques et historiques, et inversement !

La thèse centrale de la TR est que l’économie est déterminée par un certain nombre de « régularités », dont les ruptures sont le signe de l’instauration d’un nouveau régime économique. Par conséquent, l’économie est un système humain, décidé collectivement et soumis aux comportements et aux contraintes humaines.

Cette lecture de l’économie en termes de cycles historiques, amène la TR à contester de nombreuses hypothèses « standard » de l’économie, notamment l’équilibre des marchés et la rationalité des agents. Dans la société, l’économie est plus instable et incertaine que ne le suppose la lecture mathématique, qui n’a pas de rapport direct avec la réalité.

Par ailleurs, les économistes de l’économie écologique adressent une critique définitive de la représentation et de la modélisation « standard » de l’économie l’environnement, qu’ils considèrent comme une véritable imposture.

Par exemple, le mathématicien et historien de la pensée économique Nicolas Bouleau (Bouleau, 2009) –ayant suffisamment avancé dans sa carrière pour ne pas craindre de s’exprimer librement – s’adresse aux économistes « classiques » ainsi :

« Je suis stupéfait, qu’on ose encore raisonner sur l’environnement en pensant l’humanité sur la planète comme une entreprise avec un bien interne et un bien externe et régie par une fonction de production, petite équation paramétrée comme on en emploie pour raisonner en micro-économie pour le bilan d’une entreprise. C’est ce qui est fait encore aujourd’hui aux plus hautes instances académiques […]. C’est une imposture. La logique économique est foncièrement incapable de penser ses propres limites… L’économie lorsqu’elle fait appel aux raisonnements de la théorie néoclassique demande une adhésion. Elle propose un cadre de pensée auquel on doit faire confiance. Mais devant les profits indus et les dégâts constatés, on ne peut plus lui faire crédit, son capital de confiance s’effondre ». (Bouleau, 2011).

D’une certaine façon, l’hétérodoxie vise à penser l’économie « en 3 dimensions » (Idéologique-Théorique-Pratique) face à une économie mathématisée « binaire » (Science/Politique).

Pour autant, ces économistes hétérodoxes soulignent 3 points essentiels.

Premièrement, critiquer la science économique depuis l’extérieur de la discipline est risqué.

Comme chaque discipline a adopté son propre corpus d’hypothèses, et son langage-grammaire hyper-formalisé-spécialisé, le coût d’entrée est de plus en plus élevé à tel point que seuls les scientifiques membres de la discipline économique (à quelques exceptions près) qui pourraient pénétrer au cœur des modèles et des équations mobilisés pour critiquer rigoureusement les prétentions de l’économie.

Ainsi, il est plausible que chaque discipline raconte sa propre histoire avec ses propres mots sans que personne d’autre que les économistes n’aient la capacité de vérifier la pertinence des hypothèses, des variables ou des modèles.

C’est pourquoi les économistes hétérodoxes risquent à tout moment le procès en illégitimité, selon lequel ils n’ont rien compris à la discipline économique ni à ses évolutions les plus récentes.

Par exemple, on accusera souvent les économistes qui ne sont pas assez mathématiquement rigoureux, comme n’étant pas de « vrais économistes », bien qu’il semble en effet périlleux d’évaluer la valeur de l’économie, sans user un tant soit peu de rationalité mathématique.

Pourtant, à l’inverse, à trop se mathématiser, certains économistes développent des modèles inapplicables et/ou inexploitables dans l’analyse et l’activité économique (en particulier vrai pour les théories économiques produites avant les 1980s, qui sont les modèles majoritairement étudiés par les étudiants en sciences économiques).

D’ailleurs, bon nombre de ces théories économiques sont critiquées du fait de leur ignorance des dimensions humaines et sociales dans leurs modèles, et donc d’être déconnectées des réalités, voire, et c’est un comble, du manque de rigueur mathématique de leurs modèles …

Deuxièmement, critiquer la science économique depuis l’intérieur de la discipline est tout aussi risqué.

Tout d’abord, parce que du fait de sa spécialisation interne, le coût d’entrée pour dominer l’ensemble de la discipline économique et de ses courants est lui aussi très élevé.

De plus, critiquer de l’intérieur suppose de rompre avec ses collègues et de mettre sa carrière en jeu, d’autant plus que rien n’est dit qu’un économiste brillant mais iconoclaste soit compris et reconnu par ses collègues. De même, les critères mobilisés pour organiser les carrières incitent les chercheurs à rester profondément ancrés dans leur discipline, à publier dans des revues de plus en plus spécialisées pour approfondir des points très précis, au lieu de prendre un recul qui leur permettrait de réinscrire leur objet dans un périmètre plus vaste.

Ainsi, une fois qu’une discipline a organisé l’hégémonie de l’un de ses courants (dans notre cas, l’économie néo-classique au sein de l’économie) au moyen de la prise de contrôle des revues et des carrières ; l’unanimité d’une discipline ne peut être que de façade ; et donc ne pas être aussi déterminante que le consensus scientifique exprimé par la parole scientifique ne pourrait le laisser penser.

En effet en sciences économiques, le courant « hétérodoxe » a été quasiment éradiqué par les « orthodoxes » dont les idées sont redevenues mainstream depuis les 1980s, de telle sorte qu’on peut distinguer 2 branches de l’économie :

Or, si l’égalité entre ces deux branches de l’économie est théorique, leur inégalité universitaire est en revanche bien réelle.

Il suffit de voir le nombre de Prix Nobel d’Économie accordés en fonction des courants de pensée pour se rendre compte de l’existence d’une orthodoxie de l’économie (bien que, il faut le reconnaître, la situation s’est un peu améliorée depuis les 2000s, s’ouvrant même à d’autres SHS, notamment la psychologie et la science politique).

La surreprésentation de la microéconomie dans les revues économiques les plus prestigieuses (plus de 90%), dans lesquelles la présomption d’efficience du marché, les approches d’individualisme méthodologique sont dominantes, est une autre illustration de cette inégalité, bien que « microéconomie » et « orthodoxie » ne se recoupent pas toujours.

Certains tels que Pierre Cahuc et André Zylberberg dans leur pamphlet Le Négationnisme Économique y voient la preuve de la médiocrité des économistes hétérodoxes, incapables de publier dans les revues prestigieuses au point de devoir publier dans leurs propres revues ou dans d’autres disciplines, ce qui serait une tentative de se soustraire à l’évaluation par les pairs qui serait la clé de voûte du processus scientifique (Cahuc & Zylberberg, 2016).

De même, en 2015, l’économiste Jean Tirole, auréolé de son Prix Nobel d’Économie obtenu en 2014, écrit une lettre à la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Najat Vallaud-Belkacem pour protester contre la création d’une nouvelle section universitaire intitulée : « Institutions, économie, territoire et société », ou « Économie et Société »[9].

L’Association Française d’Économie Politique (AFEP) fondé en 2009 pour promouvoir le pluralisme en économie a apporté une réponse cinglante et argumentée, mais malheureusement sans résultat[10].

Notamment, nous vous invitons à regarder le débat entre Pierre Cahuc et Pierre-Noël Giraud, sur le livre Négationnisme Économique, afin de vous faire votre propre opinion sur cette polémique épistémologique : https://www.dailymotion.com/video/x4wv0zp

Troisièmement, conséquence des 2 points précédents, il est nécessaire que les institutions politico-scientifiques qui font travailler une discipline scientifique soient capable de mobiliser des chercheurs de l’ensemble de ses courants, faute de quoi elles n’entendront qu’une partie de l’histoire.

D’où l’importance des économistes hétérodoxes (René Passet, Bernard Guerrien, Franck-Dominique Vivien, Nicholas Georgescu-Roegen, …) qui remettent en cause :

Ces économistes militent pour que les différents savoirs économiques limitent leur validité à un canton de la réalité, en tenant compte du fait que ce savoir appartient à un monde plus vaste régi par d’autres lois, notamment physiques.

Comme René Passet l’a illustré à l’aide d’un schéma, l’économie (le cercle concentrique le plus petit et le plus central) ne concerne qu’une partie de la réalité et des échanges sociaux car elle est intégrée au sein de plusieurs autres cercles concentriques de taille différente s’emboîtent les uns dans les autres. De plus, ces échanges relèvent aussi d’autres logiques « naturelles » qui s’inscrivent à leur tour dans un monde plus large, la biosphère, déterminée par des lois physiques, au sein de laquelle les rapports monétaires ne signifient plus rien (Passet, 1996).

Les domaines de validité des différentes disciplines sont ainsi « géographiquement » déterminés et aucune discipline ne peut prétendre que ses hypothèses et ses règles concernent l’ensemble de la réalité.

Dès lors, une problématique se pose : Quelle est la légitimité des différentes disciplines scientifiques à imposer leur modèle, leurs théories, leurs axiomes, leurs postulats, leur langage… pour représenter le monde (actuel, de demain, désirable) ?

En particulier, est-il légitime et justifié que des économistes, aussi brillant soient-il, modélisent l’état du monde désiré – le « sens commun » – à partir des seules équations et hypothèses de la théorie économique standard ou « orthodoxe » inaccessibles au commun des mortels, pour résoudre le changement climatique et mener la transition écologique ? Assurément non !

Notamment, l’inaccessibilité théorique engendre nécessairement une divergence de représentation du monde réel, car les actions et pratiques qu’elle engendre ne sont pas le produit d’un « sens commun » partagé, mais seulement d’un « sens dominant » prescrit par les acteurs dominants capables d’imposer leur vérité idéologique, sans avoir besoin de se faire comprendre ni des autres disciplines scientifiques ni des citoyens.

Notamment, les sciences économiques bénéficient de la généralisation de 3 de ses postulats qui lui servent de justifications transcendantes (Méda, 2013) :

Ainsi, il est possible que seule la quête de l’interdisciplinarité puisse résoudre durablement cette problématique, car elle suppose de traiter les différentes disciplines scientifiques à égalité, et de les développer dans le sens qui leur permet de toujours mieux travailler ensemble.

Hypothèse 2 : Vers l’inter-disciplinarité ou la pluri-disciplinarité égalitaire

Problématique : Comment rendre fécond le dialogue entre les différentes disciplines scientifiques qui ont chacune leur propre langage-grammaire hyper-formalisé-spécialisé et avec les citoyens pour organiser l’écriture inter-disciplinaire du « sens commun » ?

Pour bâtir une science inter-disciplinaire, il nous faut – plutôt que des disciplines qui se succèdent pour ajouter leurs propres hypothèses dans un modèle de base – des disciplines capables de travailler ensemble dès le départ pour construire un modèle cohérent, une représentation simplifiée mais néanmoins complète et dynamique de l’évolution de notre monde actuel, et de la composition de notre « sens commun ».

Pour faire travailler ensemble les experts scientifiques des différentes disciplines, nous avons besoin d’établir :

Les contraintes naturelles : La Nature est-elle scientifiquement négociable ?

Notamment, à partir de ces modèles prospectifs communs, on pourrait hiérarchiser les contraintes les plus « déterminantes » voire plus « importantes », en fonction de celles qui prennent en compte les contraintes les plus fortes.

Mais alors, quelle serait la nature de ces contraintes ?

Notons que les échanges et confrontations radicale entre disciplines scientifiques sont rarement organisé de façon systématique et approfondie, car souvent rendue quasi-impossible, par l’organisation même du champ académique, dont les critères et les instances d’évaluation conditionnant les carrières valorisent :

Cependant, on rétorquera que le GIEC, reste un cas d’école d’inter-disciplinarité car il ne réunit divers experts des sciences naturelles (climatologues, biologistes, …) ainsi que des SHS (économistes, sociologues, …) qui alimentent les différents modèles et scénarios.

Est-ce parce que la crise écologique globale rime de plus en plus avec la fin du monde, au moins de l’humanité ? Dans ce cas les contraintes naturelles seraient-elles finalement plus décisives que les contraintes sociales ? Alors, l’urgence écologique nous permettra-t-elle de bâtir une science interdisciplinaire voire globale ?

Ainsi, est-ce donc avec les langage-grammaires, càd les descriptions, prévisions et prescriptions produits par les seules disciplines des sciences naturelles (climatologie, physique, biologie) que nous devons à la fois décrire l’état du monde présent, designer l’architecture du monde souhaité, et prendre les décisions qui s’imposent pour le « sens commun » à partir d’unités et de modèles physiques (un monde où les émissions de GES ne conduisent pas à une concentration dans l’atmosphère supérieure à 450 ppm…) ?

Pourtant, à l’inverse, est-il envisageable de prendre en compte seulement les conditions physiques, biologiques et climatiques comme déterminantes l’état de notre planète dans le siècle à venir ?

Ces contraintes naturelles doivent-elles primer absolument sur toutes les autres, ou doivent-elles être mises sur un plan d’égalité avec des considérations sociales, notamment économiques ? Par exemple, peut-on accepter une petite dégradation du climat dans certaines parties du monde contre l’autorisation de poursuivre des taux de croissance positifs dans l’ensemble du monde, si jamais cette croissance constituait la condition sine qua non pour bien vivre pour des milliards d’individus ? Cette conception est majoritaire parmi les partisans de la croissance verte ou bien encore du développement durable dans son sens le plus onusien (qui l’exprime et l’opérationnalise comme un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental).

En revanche, pour les partisans de la décroissance ou encore de l’écologie profonde, les contraintes naturelles sont au contraire intransigeantes et impératives, car nous ne connaissons pas les limites au-delà desquelles une petite dégradation du climat se transformera en dérèglement aux conséquences irréversibles.

Auquel cas , selon un principe de précaution nous devons faire comme si :

Ainsi, il ne serait plus possible que des disciplines ignorantes des contraintes naturelles s’autorisent à développer des modèles « en l’air », comme se le permettent les approches purement économiques qui combinent différents types de capitaux valorisés de façon exclusivement monétaires et ignorent les données physiques.

Enfin, pour la plupart des (socio-)économistes de l’écologie, mais aussi pour la plupart des philosophes, historiens et sociologues des sciences, l’arbitrage entre différents langage-grammaires pour écrire la représentation du monde souhaité (PIB/habitant en langage monétaire ; espérance de vie et qualité de vie par habitant, ppm de dioxyde de carbone) est un piège qu’il faut dépasser en militant pour l’hybridation des langages-grammaires vers des modèles communs.

Ainsi, Amy Dahan considère que bien qu’ils soient articulés les uns aux autres, les modèles économiques et climatologiques ne sont pas assez en osmose, et devraient s’hybrider beaucoup plus, et fonctionner en boucle rétroactives et réciproques (Dahan, 2007b).

C’est ce que voulait signifier Tim Jackson lorsqu’il en appelait, dans Prospérité sans croissance, à l’élaboration d’une « théorie macroéconomique écologique » et à l’intégration des flux d’énergie et de matière dans les modèles macroéconomiques. Les modèles macro-économiques devraient alors systématiquement mobiliser des unités non-monétaires[11] (ration alimentaire/habitant, mètres carrés/habitant, unités de chauffage/habitant), et plus seulement en unités monétaires (PIB/habitant O&D/habitant), afin que les variables économiques puissent être lues en termes écologiques et sociaux et inversement (hausse/baisse du PIB = hausse/baisse des émissions de GES = hausse/baisse du bien être ?) (Jackson, 2017).

Finalement, il est alors impossible de faire confiance exclusive à une unique discipline et son langage (économique, mathématique, physique, biologique, …) pour écrire le monde actuel, et encore plus le monde que nous voulons à l’avenir. Par exemple, lors du 1er Congrès interdisciplinaire du développement durable consacrée à la discussion du modèle macroéconomique présenté par Georges Bastin et Isabelle Cassiers ; le vice-président du GIEC, Jean-Pascal Van Ypersele, reprochait au modèle d’intégrer des hypothèses physiques beaucoup trop optimistes (Méda, 2013).

La Politique scientifique : Dissensus d’une science globale et consensus d’une science engagée

Pour conclure, au sein d’une science globale et engagée, nous avons besoin de :

Ces deux perspectives ne peuvent se réaliser que dans le cadre d’une gouvernance politico-scientifique, c’est pourquoi il est pertinent d’étudier les spécificités des discussions et coopérations inter-disciplinaires dans lesquelles sont décidées les hypothèses et les scénarios climatiques instituées entre les disciplines scientifiques représentées au GIEC que nous avons évoqués (voir supra). Perfectionner ce modèle de gouvernance politico-scientifique nous permettra de compter véritablement combien il nous en coûtera pour parvenir à un monde plus écologiquement sobre (en CO2, en énergie, en terres rares, …)

Cependant, il ne faut pas sous-estimer la difficulté de mener une telle entreprise d’interdisciplinarité. En effet, la coordination entre les chercheurs de différentes disciplines est soumise à de nombreux contraintes de gouvernance :

Ce sont ces contraintes de gouvernance entre science(s) et politique(s) que nous allons dans la dernière partie de notre article.

3) Composer une pratique de gouvernance du « sens commun » : Entre Science(s) et Politique(s) 

Thèse soutenue : Pour composer une transition vers un nouveau « sens commun » écologique, il faut une gouvernance politico-scientifique.

Problématique : Comment une science globale peut-elle devenir véritablement inter-disciplinaire ?

Vers une science globale véritablement inter-disciplinaire

Finalement, à partir de l’hypothèse d’une science véritablement inter-disciplinaire, 2 hypothèses concernant la gouvernance économique et écologique (éco-nomique-logique) se dessinent, elles-mêmes divisées en 2 sous-hypothèses :

 

Hypothèse 1 – Gouvernance Scientifique (qui en valeur, nie être Politique et se revendique neutre et scientifique)

Hypothèse 2 – Gouvernance Politico-scientifique (qui de fait, reconnait être politique avant d’être scientifique)

Représentative

Technocratie (en droit / en valeur) :

Il revient à la Science de représenter le « sens commun » par la construction permanente d’une vérité scientifique réfutable.

République (en droit / en valeur) :

Il revient à la chose Politique de représenter le « sens commun », par la construction permanente d’un état de droit (et/ou contrat social).

Délibérative

Épistocratie (réelle / de fait) :

Il revient aux sciences (qui nient être politiques) – et à elles seules – de délibérer progressivement du « sens commun » à partir de l’évolution de leurs savoirs spécialisés.

Démocratie (réelle / de fait) :

Il revient aux citoyens – qui ont divers savoirs politiques et scientifiques – de délibérer de leurs savoirs partagés pour mettre en formes et en mots le « sens commun ».

Ainsi, la gouvernance politico-scientifique – qui remplace la science globale – devrait produire un nouveau « sens commun » en combinant 3 méthodes :

Conclusion : Vers une science nécessairement engagée voire militante

Pour Joan Martínez Alier, nous avons besoin d’une science engagée « post-normale » – l’économie écologique – qui doit suivre 4 principes démocratiques (Martínez-Alier, 2008) :

Il suggère de chercher la solution du côté des discussions où les « activistes écologistes » et les « experts » des universités et des entreprises participent sur un pied d’égalité. C’est l’activist knowledge, le « savoir militant » (Martínez-Alier, 2008) :

« Si l’économie écologique critique l’économie conventionnelle, c’est parce qu’elle oublie la nature dans ses comptes, aussi bien dans ceux des entreprises que dans ceux des gouvernements. L’économie écologique propose de tenir compte des aspects biologiques, physiques, chimiques mais aussi sociaux. La croissance a été de 3 %, d’accord, mais que l’économie explique comment il se fait que la pollution a augmenté, ce qui s’est passé avec les fleuves, les forêts, la santé des enfants, en tenant compte de tous les aspects sociaux et écologiques de ces problèmes. » […] « Les problèmes écologiques sont complexes, interdisciplinaires. Ce sont parfois aussi des problèmes nouveaux du fait qu’ils ont été créés par des industries nouvelles. Les scientifiques, dont les méthodes sont réductionnistes, ont du mal à se mouvoir sur ces terrains. »

Si une science trop engagée politiquement est encore perçue comme moins crédible et légitime que la Science, nous espérons que cet article contribuera à démontrer que la dichotomie Science/Politique pose plus de problèmes qu’elle n’en résout pour produire des savoirs partagés de « sens commun » (Latour, 2004).

Aujourd’hui, les travaux d’économie écologique cherchent à fonder une épistémologie spécifique parmi des épistémologies encore très diverses. Quel est leur point commun ? Pouvons-nous continuer à rassembler ces travaux sous le terme d’économie ? N’avons-nous pas besoin d’une nouvelle science économique capable s’alimenter aux sources des différentes disciplines et de dépasser les postulats communs à l’ensemble de l’économie ; spécialisée dans la prospective et la composition du « sens commun » ?

Peut-on faire coopérer tout au long de l’élaboration de scénarios prospectifs des disciplines aux épistémologies (postulats et hypothèses méthodologiques) si radicalement différentes voire opposées ?

Toutes ces questions se posent non seulement aux disciplines scientifiques actuelles, notamment l’économie et les différentes branches de l’écologie, mais aussi aux sciences nouvelles, globales, post-disciplinaires et engagées qu’il nous faut composer pour décrire le monde actuel et représenter notre trajectoire vers notre « sens commun ».

Annotations (ou notes de bas de page) :

  1. Isabelle Stengers s’inspire des travaux de son célèbre prédécesseur, Alfred North Whitehead, dont la pensée est à l’origine de la philosophie du processus (ou l’ontologie du devenir) selon laquelle « il est urgent de voir le monde comme un réseau de processus interdépendants dont nous sommes partie intégrante, et que tous nos choix et nos actions ont des conséquences sur le monde qui nous entoure » (Mesle, 2008), philosophie qui inspirera l’éthique de l’environnement (Daly, Cobb, 1994)

  2. Propos rapportés par Jean-Marc Lévy-Leblond dans son texte « Allons savoir ! » dans l’ouvrage dirigé par Henri Atlan. (2003). Savoirs et démocratie. Éditions Parenthèses.

  3. www.ipcc.ch – Site officiel du GIEC

  4. Voir https://www.taesch.com/cognitive/changemanagement/dialogue-ou-discussion et https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-12h30/de-la-difference-entre-dialogue-et-discussion-2800040

  5. La consultation de panels d’experts mondiaux n’est pas l’apanage du GIEC : les rapports des 2010s du PNUE sur les ressources rares ou le Millenium Ecosystems Assessment sur la biodiversité ont aussi été réalisés grâce à la collaboration de milliers de scientifiques du monde entier.

  6. Gilles Cohen-Tannoudji. (2012, avril 4). Scénario dépletionniste (III) comparaison avec le GIEC. Le blog de l’énergie et du climat (Overblog). http://climatenergie.over-blog.com/article-scenario-depletionniste-iii-comparaison-avec-le-giec-102842674.html.

  7. Jean-Marc Jancovici. (2008, décembre 1). Qu’est-ce que le GIEC ? Jean-Marc Jancovici (anciennement Manicore). https://jancovici.com/changement-climatique/croire-les-scientifiques/quest-ce-que-le-giec/

  8. Pour en savoir plus sur les différentes écoles néoclassiques, voir l’article du média Pour l’Éco sur le sujet : https://www.pourleco.com/le-dico-de-l-eco/neoclassiques-courant-de-pensee-economique.

  9. Lettre de Jean Tirole à Najat Vallaud-Belkacem : http://assoeconomiepolitique.org/wp-content/uploads/Lettre-de-jean-Tirole.pdf ;

  10. Réponse de l’AFEP (regroupant des économistes hétérodoxes) : https://assoeconomiepolitique.org/lettre-ouverte-jean-tirole-la-diversite-intellectuelle-nest-pas-source-dobscurantisme-et-de-relativisme-mais-dinnovations-et-de-decouvertes/

  11. Sur le plan social, Jackson argumente aussi que l’autoproduction et l’échange de services non monétaire constitue déjà une part importante du PIB (30%), et pourrait s’étendre et constituer une dimension majoritaire lors des évolutions économiques à venir.

  12. En effet, l’interdisciplinarité est une entreprise périlleuse qui se composer progressivement. Notamment, une trop grande insistance formelle et rhétorique sur l’interdisciplinarité comme un simple crédo pourrait être le symptôme d’une dilution des connaissances spécialisées qui conduirait à une perte de profondeur dans la compréhension des problèmes.

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