Errata : Suite à l’arrivée de nombreux lecteurs sur cet article, celui-ci a été en partie corrigé et ajusté le 28/10/2021. D’autres modifications sont à prévoir, notamment la disparition progressive des mentions « Philo Confinée » et « Philo [Dé]confinée », et une réorganisation des rubriques. Plus d’infos dans les « Annonces de Mai 2022 »
Bonjour à tous,
Philo Déconfinée se revendique comme une FAQ philosophique, qui cherche à répondre aux interrogations philosophiques concrètes de ces lecteurs.
Par vos commentaires et vos interrogations, vous pouvez contribuer à améliorer cet article qui, par de multiples itérations, deviendra je l’espère, plus didactique et plus complet.
Nous nous engageons aujourd’hui dans un triptyque sur la rhétorique et l’éloquence.
Il convient donc, dans cette 1ère partie de définir 3 notions : le mentir, le mensonge et le menteur, afin de ne pas les confondre, ce qui nous permettra par la suite, de décrypter la fabrique de la rhétorique et de l’éloquence.
Définitions : Le mensonge, le mentir et les menteurs
Le mensonge n’est qu’une parole, ou un acte, qui n’est pas vérité.
Le mensonge est donc presque accidentel : c’est dire une chose fausse sans savoir qu’elle est fausse (par ignorance ou par oubli), ainsi le mensonge n’offusque que ceux qui savent la vérité, le plus souvent, pas contre celui qui prononce le mensonge, mais contre le mensonge lui-même.
Abordons maintenant le mentir.
Cependant, le mensonge peut être proféré de façon volontaire, et servir à tromper, à détourner, etc. Mis bout à bout, plusieurs mensonges suivent une stratégie qui relève, non plus seulement du mensonge, mais du mentir.
Le mentir consiste à faire persister des mensonges dans le temps afin de leur donner une existence concrète (càd qui peut être perçu par les sens ou imaginé, mais qui ne nous dit rien sur sa véracité).
Ce ne sont plus des « paroles en l’air » innocentes, ni même des « mensonges isolés » sans gravité.
Enfin les menteurs.
Les menteurs sont qui font usage du mentir dans leur propre intérêt.
Bien entendu on pourrait imaginer d’autres menteurs, « mentant par altruisme » ou « mentant pour une cause », mais ces menteurs, soient se fourvoient, essayant prophétiquement de faire de leurs mensonges une plus belle vérité, soit s’ignorent, ils n’ont pas conscience de mentir pour le mieux.
Le menteur est fondamentalement conscient du mentir et de son usage, tout comme de la vérité qu’il occulte.
Comme nous le verrons le mentir est toujours un vice, et il nous faut apprendre à craindre davantage les menteurs.
Ces définitions posées, nous pouvons répondre aux questions les plus communes de l’art du mentir, et en particulier, sur la moralité de son usage et des stratégies et techniques qui permettent de le mettre en œuvre, et du même coup le déjouer
Le mensonge est-il toujours immoral ?
Dire la vérité est-il toujours la bonne chose à faire ? En bref quand et pourquoi faut-il mentir ? Existe-t-il de « bons mensonges » ? [Maxime Ayach]
Derrière ces questions se cachent 2 dilemmes moraux auxquels nous sommes tous communément confrontés : Le « bon mensonge » et « mensonge bienveillant ».
Le bon mensonge
Selon ce concept, le mensonge pourrait avoir une valeur morale utilitariste.
Au nom de cette valeur, certains mensonges feront davantage de bien que de tort, ce qui justifierait leur emploi, même dans le sens du mentir.
Ainsi, par exemple, mentir pour sauver des vies, mentir pour épargner des souffrances, ou même mentir pour persuader et convaincre d’une cause juste, seraient autant d’usages du mentir qui, soutenant la vertu, ne sont alors que de moindres vices (#la-fin-justifie-les-moyens).
Ce mensonge « moral » ou vertueux, peut d’ailleurs avoir des implications bien plus importantes, que j’aborderai plus loin dans cet article.
Le mensonge bienveillant
Ce mensonge a une valeur sociale, et relève même d’une approche beaucoup plus normative (le 1er usage du mensonge évoqué étant essentiellement circonstanciel et « libre »).
On retrouve d’ailleurs dans cette catégorie des mensonges de diverses gravités, comparativement à la vérité, mais qui constituent tous une faible menace à la confiance sociale et à la vérité.
Plusieurs exemples communs sont :
-La politesse, qui est constituée à bien des égards, de mensonges par convention, ou plus exactement, des gestes et des paroles qui qui sont accomplis sans prise en compte de la réalité des choses (relation entretenue avec la personne, humeur, conviction, …).
-L’atténuation, notamment des choses à la fois sérieuses et sensibles comme la mort, l’intelligence, l’apparence, etc.
Cette atténuation peut d’ailleurs prendre différentes formes : la litote (« Il nous a quitté » plutôt que « Il est mort »), la métaphore (« Ce n’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir » plutôt que « Il est idiot ») ou même la formule creuse* (« Ça te va bien » plutôt que « c’est ton choix et je le respecte).
==> Il est important de remarquer que certaines atténuations relèvent de la politesse, et que l’atténuation comme mensonge, qu’on pourrait qualifier de micro-mensonge, est particulièrement pertinente pour s’interroger sur la façon dont un mensonge insignifiant à l’échelon individuel, peut devenir signifiant à l’échelon sociétal**
Mais cette réflexion nous fait un peu sortir de l’idée de mensonge bienveillant.
– L’infantilisation/La fable/le conte.
Il s’agit d’une histoire racontée qui a valeur de vérité aussi longtemps que l’on y croit, et qui a pour fonction la simplification du monde, a priori dans l’intérêt de l’infantilisé.
Si les illustrations les plus courantes seraient le Père Noël ou la Petite Souris (ouille, j’espère que votre petit frère Tommy, 7 ans ne lit pas derrière vous), le roman national ou le self-man-made en seraient d’autres, car elles partagent avec les 2 premières une déconnexion totale avec la réalité factuelle/objective, et une dimension mythologique et/ou sacrée.
*La « formule creuse » fera l’objet d’un numéro consacré à la rhétorique, constituant la définition de ce qui est rhétorique et ce qui ne l’est pas, afin de ne pas démultiplier les exemples.
**Cette réflexion sera développée dans le numéro sur la rhétorique, et concernera notamment la politique et la science.
On voit alors que ces mensonges innocents, trouvent des emplois avec des mentir beaucoup plus pervers et sinueux, et que la délimitation entre le mensonge « bon et bienveillant » et le mensonge « mauvais et malveillant », est une question beaucoup plus retorse qu’on pourrait le supposer.
Cependant cette première analyse nous permet de constater que chercher à justifier le mensonge par la vertu, c’est interroger la légitimité du mensonge, et par là même l’idée de mensonge légitime.
On retrouve alors l’une des questions philosophiques les plus communes : « Peut-on mentir ? », non pas en termes de capacité, mais bel et bien en termes de légitimité morale et juridique.
A partir de ce sujet, pour aller plus loin, sans vous proposer une dissertation de philosophie en bonne et due forme , je vous propose une synthèse de la vision de Montaigne concernant les rapports entre la mémoire et le mentir (lisez notamment la partie 2) : https://drive.google.com/file/d/1fpRfecGTzCb16JanS9cU5d7yoLMhvzix/view?usp=sharing
Je vais également vous livrez ma propre opinion, sur la possibilité matérielle et morale du « bon mensonge » et du « mensonge bienveillant »
Approche philosophique et morale du mentir
Controverse Utilitarisme VS Éthique Déontologique
Derrière l’idée de « bon mensonge », on retrouve l’une des controverses les plus classiques de la philosophie morale.
Lorsque l’on traite du mentir, on s’intéresse généralement à deux approches morales et conflictuelles :
L’Utilitarisme (selon John Bentham, J.S Mill et John Locke) et l’éthique déontologique (selon E.Kant notamment)
–https://www.wikiwand.com/fr/Utilitarisme
–https://www.wikiwand.com/fr/%C3%89thique_d%C3%A9ontologique
Notez que cette controverse nomme parfois l’approche utilitariste le « conséquentialisme » et l’approche déontologiste le « déontologisme », mais le débat reste sensiblement le même.
Si vous voulez approfondir ces notions, je vous renvoie aux vidéos de Monsieur Phi
https://www.youtube.com/channel/UCqA8H22FwgBVcF3GJpp0MQw/videos notamment :
– « A chacun sa morale ? »
– « Encore plus d’utilitarisme » (Retour sur les 7 expériences de pensées)
– « Tu DOIS … la morale selon Kant »
Ce qu’il faut retenir, c’est que pour l’utilitariste, le mensonge est moral dès lors que sa conséquence est plus bénéfique que celui de la vérité, mais que pour le déontologiste, certains principes/fondements moraux (dont la vérité) ont une valeur morale absolue, et donc à ce titre le mensonge est toujours immoral, indépendamment des conséquences engendrées par la vérité et le mensonge.
Cependant, avant de vous parler de ma propre opinion, il me semble nécessaire de lever le voile sur quelques ambiguïtés :
– L’opposition entre utilitarisme et déontologie, présentée sous l’angle du mensonge (c’est le cas le plus courant), peut naïvement être vue comme un arbitrage entre vérité (« dire la vérité ») et morale (« sauver des vies », « faire ce qui est juste »).
C’est un non-sens !
Non seulement parce que la vérité renvoie à de nombreuses morales, ce qui justifie qu’elle soit souvent un principe moral supérieur dans l’approche déontologue, mais aussi parce que d’autres principes moraux peuvent être arbitrés au détriment de la vérité.
Ainsi, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas que 2 conceptions de la morale, mais bel et bien une pluralité (sans tomber dans le relativisme car toutes ne se valent pas).
Les meilleures conceptions de la morale, sont d’ailleurs tout à la fois déontologiques (elles promulguent des lois et des principes moraux) et utilitaristes (elles pondèrent ces différents principes par importance).
==> En effet, l’utilitarisme est donc une conception morale plutôt quantitative, et l’éthique déontologique plutôt qualitative.
Aucune de ces 2 conceptions (au sens large) ne peut être considérée comme plus légitime que l’autre, notamment parce qu’une conception morale purement utilitariste, ou purement déontologue, serait vu comme une aberration morale pour l’immense majorité d’entre-nous.
En effet, qui voudrait d’une société où l’on fait de l’élevage d’êtres humains (clonés ou non, plus ou moins artificiels) pour en prélever les organes afin d’améliorer l’espérance de vie de tous les autres ? [cf. Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours].
A l’inverse, qui d’entre-nous accepterait que, au nom de la vérité, on sacrifie des milliers de femmes et d’hommes chaque année ? Que l’on torture un être humain pour savoir combien de coups de machette d’une force de 100 Newton peuvent être appliqués sur son bras avant qu’il soit sectionné parfaitement ?
D’ailleurs, laquelle de ces 2 dystopies est utilitariste ? Laquelle est déontologue ?
N’est-ce pas simplement que nous ayons privilégié la vie de la majorité au détriment de la vie de la minorité ?
Que nous ayons privilégié la quête de savoir du plus grand nombre en échange de quelques vies sacrifiées ?
Que nous ayons décidé que la vérité est toujours plus importante que la vie ?
Que nous ayons décidé que la préservation de la vie est toujours plus importante que le respect de la vie ?
Je vous laisse une vidéo qui illustre très bien ce dilemme moral concernant la cause animale et la recherche scientifique :
Opinion personnelle
Nous vivons dans une société où nous avons une conception très utilitariste du mensonge :
Il est dangereux car si tout le monde ment on ne peut faire confiance à personne, mais utilisé à bon escient il permet de vivre dans un monde meilleur qu’un monde où la vérité est limpide et écrasante.
Autant je partage et ai partagé cette vision utilitariste du monde pour de nombreuses conceptions morales, en revanche plus je mûri ces questions et plus la conception déontologue me plaît, et notamment pour la vérité.
Cela signifie que je considère que la vérité doit être une valeur morale inconditionnelle, car elle est constitutive d’un cadre moral plus sain et plus ambitieux.
En effet pour moi il est difficile de concevoir la vérité de façon quantitative (#utilitarisme), surtout quand la massification informative a rendu le rapport à la vérité plus accessible, mais aussi plus trouble.
Qualitativement, plus de vérité c’est un plus faible mentir, tant en capacité qu’en légitimité.
C’est la garantie de vivre dans un monde plus conscient et plus responsable.
PS Point Godwin : Pour ceux qui penseraient que j’aurais dénoncé les juifs aux Nazis pendant la guerre, je leur rétorquerais que cette situation n’aurait jamais pu se produire si l’idéologie nazie n’avait pas accusé les juifs de torts dont ils n’étaient pas responsables. Si la morale utilitariste gagne au jour le jour, le déontologue est plus prévoyant et n’a pas à choisir le moindre mal en permanence…
Pour défendre cette position, je vais mettre en avant 3 arguments :
1) Le mensonge n’est pas le mentir ! Comme nous l’avons vu en introduction, il est plus que probable que nous commettions tous quelque mensonge, avec plus ou moins de conscience et d’intérêt (pour soi ou pour autrui) dans la profération du mensonge, cependant le mentir est quant à lui essentiellement égoïste, quand il n’est pas carrément malveillant.
Si le mentir ne nous paraît pas si néfaste, c’est que ayant tous par plusieurs fois proférés des mensonges, cela nous paraît la condition naturelle de l’homme, ainsi on lui accorde quelque indulgence.
Nous avons également tous en tête un exemple de fiction où un héros, par le biais du mentir, protège autrui d’un mal bien plus grand que le mentir si la vérité éclatait.
Mais ce qui rend ces histoires si belles, est que, d’une part, ce héros est sincère sauf en l’unique point qui couvre le secret, et par ailleurs, que la vérité fini toujours par nous être dévoilée, si ce n’est qu’à nous lecteurs.
2) Nous aimons les mystères, les énigmes et les secrets ; nous n’aimons pas le mentir !
Les humains aiment la découverte, ce sont des explorateurs de tous les domaines, et je pense que cette qualité d’explorateur universel, bien plus que le langage articulé, fait l’intelligence des humains et la science de l’humanité [souvenez-vous de l’exercitation].
Mais ce comportement téméraire s’accompagne d’un désir de sécuriser notre environnement.
Pour parvenir à cette fin, nous ne cessons de mettre en place des stratégies pour combler les inconnues de notre existence, pour peu qu’on daigne s’y intéresser.
Sur ce plan il faut cependant différencier 2 solutions différentes que nous mettons en place :
1. La raison : Nous faisons confiance à nos facultés intellectuelles, à nos expériences passées, à nos observations, pour comprendre une inconnue.
2. La croyance : Nous faisons confiance à autrui (allons encore plus loin, à la raison d’autrui) pour comprendre une inconnue.
Bien entendu, la bonne compréhension d’un nombre conséquent d’inconnues nécessitera à la fois de la raison et des croyances.
Or, de ce que nous savons des limites de notre rationalité (la rationalité limitée selon Herbert Simon) ainsi que des limites de nos croyances (le dogme, c’est-à-dire à la fois croire sans savoir et croire savoir), savoir comment avoir les bonnes croyances et les bonnes raisons pour résoudre ces inconnues est une question légitime.
C’est ici qu’intervient la vérité, comme pont entre la raison et les croyances, pour bâtir des connaissances éclairantes.
Au-delà de la vérité scientifique qui rend compte de l’état actuel de nos connaissances, la vérité a la noblesse d’accepter d’être remise en question, sur la base de fondements au moins aussi solides que ceux qui l’ont constituée, tandis que le mentir, cherchant à se conserver, refusera toujours de remettre en cause ses fondements les plus profonds.
Ainsi, notamment pour les vérités hors les sciences, il nous est toujours nécessaire de douter de notre jugement pour préserver la cohérence de la vérité.
Élever la Vérité au rang de morale (= morale « normative ») et de valeur éthique (= morale « rationnelle »), c’est-à-dire au rang d’éthique déontologique, est probablement le moyen le plus certain d’être certain de vivre dans le monde dans lequel nous vivons, car vrai.
3) La vérité protège davantage les libertés fondamentales et les droits humains que le mentir et le mensonge !
Pour illustrer cet argument je voudrais évoquer la notion de « vie privée ».
Terriblement d’actualité dans un monde où la dictature du numérique n’a jamais été aussi proche, entre affaire Snowden (surveillance généralisée aux US et dans les pays développés), note sociale en Chine (Internet utilisé comme outil de contrôle dans les régimes autoritaires), ère du Big Data et économie GAFAM (fuite de nos données personnelles, géolocalisation, …) ; notion ancienne cependant puisque le contrôle social a toujours été un enjeu de taille pour les institutions de pouvoir (selon Hannah Arendt, l’un des piliers du totalitarisme est l’occupation de l’espace privé, en l’intégrant de force dans l’espace public).
Mais quand on aborde la question du mentir et de la vérité, notre première intuition est que la vérité repose sur la transparence, et que le mentir naît du secret, de l’intimité et donc de la vie privée.
Ainsi avons tendance innocemment à penser que nous avons tout à gagner de la transparence tant que « nous n’avons rien à cacher ».
Mais quelle aberration se cache derrière cette formulation diabolique ? Car quel pire mentir que d’inverser en plus du sens des mots, le sens du monde ?
L’abolition de la vie privée, fait une réalité concrète qu’après tout, surveiller et être surveillé c’est être libre, qu’observer et être observé c’est avoir la paix, qu’écouter et être écouté c’est être vertueux.
Orwell dans 1984 ne s’exprimait d’ailleurs pas différemment quand il annonçait que Liberté est Servitude, que Guerre est Paix, et que Ignorance est Puissance.
https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2018/05/17/37002-20180517ARTFIG00096–1984-d-orwell-une-nouvelle-traduction-plus-glacante.php
En effet, au-delà de la novlangue orwellienne que tout le monde retient alors qu’elle n’est que l’aboutissement du totalitarisme de l’Océania, il s’agit de rappeler ce qui maintien le régime en place : l’absence de liberté, et en premier lieu l’absence de vie privée grâce à la surveillance généralisée.
Or toute la subtilité de cette société de surveillance, est de surveiller bien davantage les cadres du Parti et de façon générale les personnes influentes, que les personnes qui n’ont rien « d’intéressant » à cacher, précisément parce qu’elles n’ont aucun pouvoir.
En plus de diviser pour mieux régner, mieux surveiller les surveillants assure un contrôle éternel et impossible à démêler, surtout quand tous les autres sont maintenus dans l’ignorance …
Finalement seuls ceux qui sont au sommet ont le privilège de conserver une vie privée, alors qu’ils sont eux-mêmes les instigateurs de cette société de surveillance…
Ainsi, à tous ceux qui pense que « ça va on n’est pas comme dans 1984 de Orwell », détrompez-vous. Big Brother (ou Big Mother) est déjà là, et notre monde devient un peu plus orwellien chaque fois que la vie privée – et les libertés qui l’accompagne – est bafouée.
Ainsi donc, la vérité est la mère de toutes les sociétés libres et épanouies, car la vérité garanti en soi qu’il n’y est nulle tromperie car nul mentir, et que par conséquent il n’est pas nécessaire de s’incruster dans l’intimité des autres.
Seule une société où le mentir demeure peut envisager l’abolition de la vie privée, qui est en soi l’une des libertés les plus fondamentales (garante de la liberté de penser entre autre, encore davantage que la liberté d’expression, car à quoi bon la liberté d’expression si on surveille vos pensées ?)
N’est-il pas d’ailleurs étrange que les plus prompts à s’attaquer à la vie privée soient également ceux qui sont les premiers à s’offusquer lorsque leurs magouilles sont mises sur le devant de la scène ?
Gardez à l’esprit que si vous avez peu de choses à cacher, ceux qui veulent dépouiller votre intimité ont bien davantage de choses à cacher, mais aussi que chaque homme est un temple, et qu’à ce titre vouloir garder des choses pour soi ne signifie pas que l’on soit coupable de quoi que ce soit, simplement que l’on veut préserver notre singularité.
3. Conclusion
Je conclurai mon propos de la façon la plus claire qui soit, afin que la vérité (en tant que valeur morale) ne soit plus jamais occultée par le mentir :
La vérité est une vertu, le mentir est un vice
Le bon mensonge est discernement, le bon mentir est une aberration
Pour expliciter :
La vérité est une vertu car on ne peut pas œuvrer pour le bien sans vérité, car le bien ne nous paraîtrait alors pas véritable.
Le mentir est un vice, car il engendre toujours moins de vérité, les dogmes engendrent des croyances fausses et sans fondement, et les crédulités sont détournées de la vérité par le mentir et ses menteurs.
Le bon mensonge est une affaire de discernement, il est raisonnable car sans gravité à long terme.
Le bon mentir est un oxymore, une absurdité. User du mentir pour faire le bien, ce serait ignorer une vertu (la vérité) pour en préserver une perçue comme plus grande.
Et vouloir sacrifier la vérité pour préserver la vertu, c’est indéniablement prendre le risque de n’avoir ni l’une, ni l’autre.
C’est aussi penser pouvoir contrôler toutes les conséquences de ses propres actes, mais aussi de tous ceux sur lesquels on a pratiqué le mentir …
Enfin, j’aimerai porter à votre attention le travail de l’intellectuel anarchiste Noam Chomsky, qui complète parfaitement celui de l’intellectuel anarcho-conservateur qu’était Georges Orwell.
En voici les 2 citations les plus édifiantes :
« Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice. » (2002)
« En France, si vous faites partie de l’élite intellectuelle et que vous toussez, on publie un article en première page du Monde. C’est une des raisons pour lesquelles la culture intellectuelle française est tellement burlesque : c’est comme Hollywood. » (2002)
Autres citations de Georges Orwell et Noam Chomsky :
Liens et mots de l’auteur
Commentaires des Essais de Montaigne : https://drive.google.com/file/d/1fpRfecGTzCb16JanS9cU5d7yoLMhvzix/view?usp=sharing
Merci d’avoir lu ce numéro, n’hésitez pas à commenter sous cet article. =)